Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/353

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Quand les exécutifs s’aperçurent que M. Pickwick et ses amis étaient disposés à résister à l’autorité de la loi, ils relevèrent les manches de leurs habits d’une manière très-significative, comme si c’était une chose toute simple, un acte purement professionnel, de jeter les délinquants par terre, pour les ramasser ensuite et les emporter. Cette démonstration ne fut pas perdue pour M. Pickwick. Il conféra à part pendant quelques instants avec M. Tupman, et déclara ensuite qu’il était prêt à se rendre à la résidence du maire, ajoutant seulement qu’il prenait à témoin tous les citoyens présents de cette monstrueuse atteinte aux privilèges d’un anglais, et de son engagement solennel de s’en faire rendre raison aussitôt qu’il serait en liberté. À cette déclaration, tous les citoyens présents éclatèrent de rire, excepté cependant M. Grummer, qui paraissait considérer comme une espèce de blasphème intolérable la moindre réflexion sur le droit divin des magistrats.

Mais lorsque M. Pickwick eut déclaré qu’il était prêt à obéir aux lois de son pays, et justement lorsque les garçons, les palefreniers, les servantes et les postillons, que sa résistance avait flattés d’un charmant spectacle, commençaient à se retirer avec désappointement, une autre difficulté s’éleva qui menaça le Grand Cheval blanc d’une confusion nouvelle. Malgré ses sentiments de vénération pour les autorités constituées, M. Pickwick refusa résolument de paraître dans la rue, entouré, comme un malfaiteur, par les officiers de la justice. Dans l’état incertain de l’opinion publique (car c’était presque fête, et les écoliers n’étaient pas encore rentrés chez eux), M. Grummer refusa tout aussi résolument de marcher avec sa suite d’un côté de la rue, et d’accepter la parole de M. Pickwick qu’il suivrait l’autre côté pour se rendre directement chez le magistrat. Enfin, M. Pickwick et M. Tupman se refusèrent vigoureusement à faire la dépense d’une chaise de poste, ce qui était le seul moyen de transport respectable qu’on pût se procurer. La dispute dura longtemps et sur une clef très-haute. Enfin, M. Pickwick, continuant de refuser de se rendre à pied chez le magistrat, les exécutifs étaient sur le point de recourir à l’expédient bien simple de l’y porter, lorsque quelqu’un se rappela qu’il y avait dans la cour une vieille chaise à porteurs, construite originairement pour un gros rentier goutteux, et qui par conséquent devait contenir les deux coupables aussi commodément, pour le moins, qu’un cabriolet moderne. La chaise fut donc louée et apportée dans la salle