Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’en bas ; M. Pickwick et M. Tupman s’insinuèrent dans l’intérieur, et baissèrent les stores ; une couple de porteurs fut facilement trouvée ; enfin, la procession se mit en marche dans le plus grand ordre. Les constables spéciaux entouraient le char ; M. Grummer et M. Dubbley s’avançaient triomphalement en tête ; M. Snodgrass et M. Winkle marchaient bras dessus, bras dessous, par derrière, et les malpeignés d’Ipswich formaient l’arrière-garde.

Les boutiquiers de la ville, quoiqu’ils n’eussent qu’une idée fort indistincte de la nature de l’offense, ne pouvaient s’empêcher d’être tout à fait édifiés et réjouis par ce spectacle. Ils reconnaissaient le bras infatigable de la loi, qui était descendu, avec la force de vingt presses hydrauliques, sur deux coupables de la métropole elle-même. Cette puissante machine, mise en mouvement par leur propre magistrat, et dirigée par leurs propres officiers, avait comprimé les deux malfaiteurs dans l’étroite enceinte d’une chaise à porteurs. Nombreuses furent les expressions d’admiration qui saluèrent M. Grummer pendant qu’il conduisait le cortège, son bâton de commandement à la main ; bruyantes et prolongées étaient les acclamations des malpeignés ; et parmi ces témoignages unanimes de l’approbation publique, la procession s’avançait lentement et majestueusement.

Sam Weller, vêtu de sa jaquette du matin et avec ses manches de calicot noir, s’en revenait d’assez mauvaise humeur, car il avait inutilement examiné la mystérieuse maison à la porte verte, lorsqu’il aperçut, en levant les yeux, un flot de populaire qui s’avançait autour d’un objet ressemblant fort à une chaise à porteur. Charmé de trouver une distraction à son désappointement, il se rangea pour laisser passer les malpeignés, et voyant qu’ils applaudissaient en chemin, à leur grande satisfaction apparente, il commença immédiatement (par pur désœuvrement) à applaudir aussi de toutes ses forces et de tous ses poumons.

M. Grummer passa, et M. Dubbley passa, et la chaise à porteurs passa, et les gardes du corps spéciaux passèrent, et Sam répondait toujours aux acclamations enthousiastes de la populace, en agitant son chapeau au-dessus de sa tête, comme s’il eût été entraîné par la joie la plus vive, quoique, bien entendu, il n’eût pas la plus légère idée de ce qu’il applaudissait. Tout à coup il resta immobile, en voyant inopinément apparaître MM. Winkle et Snodgrass.