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NICOLAS NICKLEBY.

songé qu’après mon départ tout se ferait avec tiédeur et irrégularité ? Mais à présent je suis content. Je lui donnerai encore quelques leçons, et je pourrai mourir, et les affaires iront comme de mon vivant, et j’aurai la satisfaction de savoir qu’il n’y a jamais eu, qu’il n’y aura jamais de livres tenus comme ceux de Cheeryble frères.

M. Linkinwater indiqua par un court éclat de rire qu’il continuait à défier la Cité, retrancha tranquillement une erreur de 79 de la dernière colonne qu’il avait additionnée, et se remit à l’ouvrage.

Le deux jumeaux s’éloignèrent, et Charles Cheeryble dit à Edwin :

— J’ai pensé à une chose ; c’est à louer à la famille Nickleby notre maison de Bow street, qui se trouve vacante aujourd’hui. Qu’en dites-vous ? — Il faut la leur donner pour rien, répondit Edvin ; nous sommes riches, et il serait honteux pour nous d’en toucher le loyer en cette circonstance. — Peut-être, reprit Charles doucement, vaudrait-il mieux exiger des Nickleby une modique somme annuelle, ce qui contribuerait à leur conserver des habitudes d’économie, et leur serait moins pénible qu’un bienfait complètement gratuit. Nous pouvons demander quinze ou vingt livres, et si on les paye régulièrement, leur en tenir compte d’une autre manière. Nous pouvons aisément leur faire de petites avances pour se meubler, et s’ils se conduisent bien, comme j’en ai la certitude, nous transformerons ces prêts en dons avec précaution, et par degrés, sans le leur faire trop sentir. Qu’en pensez-vous, mon frère ?

Edwin fut de cet avis. Madame Nickleby et Catherine prirent possession de la maison, et tout fut espoir, agitation et contentement.

Il n’y eut jamais assurément de semaine plus remplie de surprises et de découvertes que la première qu’on passa dans la petite maison. Toutes les fois que Nicolas rentrait, on avait constaté la présence de quelque chose de nouveau. Tantôt c’était une vigne, puis un fourneau, puis un cabinet. Des rideaux de mousseline donnaient à telle ou telle chambre une physionomie des plus élégantes. Miss la Creevy, qui était venue par l’omnibus passer un jour ou deux avec la famille, perdait continuellement ses pointes et son marteau, courait partout les manches retroussées, trébuchait sur l’escalier, et se donnait beaucoup de peine. Madame Nickleby parlait sans cesse et travaillait de temps en temps, mais pas souvent. Catherine s’occupait sans bruit, et trouvait tout charmant. Smike rendait le jardin magnifique, et Nicolas aidait et encourageait tout le monde. La joie et la tranquillité étaient revenus dans