Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
NICOLAS NICKLEBY.

— Nous essayerons de vous placer apprentie sous-maîtresse dans quelque maison d’éducation. Vous n’avez pas été élevée trop délicatement pour cela, j’espère ? — Non, vraiment, mon oncle, répondit la jeune fille en pleurant, je ferai tout ce qui sera nécessaire pour me procurer un asile et du pain. — Bien, bien, dit Ralph. Et vous, Monsieur, avez-vous déjà fait quelque chose ? — Non, répliqua brusquement Nicolas. — Non, je m’en doutais. Voilà la manière dont mon frère élevait ses enfants, Madame. — Nicolas a reçu toute l’éducation que son pauvre père pouvait lui donner, reprit madame Nickleby, et mon mari songeait à… — À en faire quelque chose un jour, dit Ralph. C’est la vieille histoire, toujours des projets, jamais d’actions. Si mon frère avait eu de la prudence et de l’activité, il vous aurait laissé une fortune, Madame, et s’il avait lancé son fils dans le monde, comme mon père m’y a lancé, quand je n’avais guère qu’un an de plus que ce garçon, au lieu d’être pour vous un fardeau qui accroît votre détresse, Nicolas eût été à même de vous secourir. Mon frère était un homme imprudent, irréfléchi, madame Nickleby, et personne, j’en suis sûr, n’a de meilleures raisons que vous pour le sentir.

Cette apostrophe fit penser à la dame qu’elle aurait pu mieux placer ses uniques mille livres ; elle songea que cette somme lui eût été présentement d’un grand secours, et se mit à déplorer sa triste destinée. Elle termina en se plaignant de ce que le cher défunt n’eût jamais daigné profiter de ses avis, excepté une seule fois ; cette assertion était d’autant plus véridique, que c’était pour avoir écouté ses conseils cette seule fois-là que le pauvre homme s’était ruiné.

M. Ralph Nickleby accueillit ce discours par un demi-sourire ; et quand la veuve eut achevé, il reprit tranquillement la conversation au point où il l’avait laissée.

— Avez-vous envie de travailler, Monsieur ? demanda-t-il en regardant son neveu d’un œil sévère. — Sans doute, répondit Nicolas avec hauteur. — Eh bien ! voyez-vous, Monsieur, reprit son oncle, je suis tombé ce matin sur cet article, et vous pouvez en remercier le ciel.

Après cet exorde, M. Ralph Nickleby tira un journal de sa poche, le déplia, chercha un moment parmi les annonces, et lut ce qui suit : Éducation. Académie de M. Wackford-Squeers, au château de Dotheboys, dans le délicieux village de Dotheboys, près de Greta-Bridge (Yorkshire). Les jeunes gens sont nourris, habillés, fournis de livres et d’argent pour leurs menus plaisirs, pourvus de tout ce qui leur est nécessaire, instruits dans toutes les langues, mortes et vivantes, les mathémathiques, l’orthographe, la géométrie, l’astronomie, la trigonométrie, l’usage des sphères, l’algèbre, le bâton, l’écriture, l’arithmétique, la fortification, et toute autre