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NICOLAS NICKLEBY.

s’assurer, s’il le pouvait, par John Browdie, de la manière dont la chose s’était passée, il se rendit à ses occupations journalières. En route, il examina différents moyens de punir l’instituteur d’Yorkshire. Tous ces moyens étaient fondés sur les principes les plus rigoureux de la justice, et n’avaient d’autre inconvénient que celui d’être complètement impraticables.

— Voilà une belle matinée, monsieur Linkinwater, dit Nicolas en entrant au bureau. — Ah ! répondit Tim, parlez donc de la campagne. Que dites-vous de ce jour, pour un jour de Londres ? — Il est un peu plus brillant hors de la ville. — Plus brillant ? répéta Tim Linkinwater ; il faudrait le voir de la fenêtre de ma chambre à coucher. — Il y a des giroflées doubles au no 6, dans la cour ? demanda Nicolas. — Oui, répondit Tim ; et elles sont plantées dans un pot fêlé, sur la gouttière. Le printemps dernier, on y voyait des hyacinthes qui fleurissaient dans… Mais vous allez rire. — De quoi ? — Des vases où elles fleurissaient ; c’étaient de vieilles bouteilles de cirage. — Je n’y vois rien de risible.

Tim parut encouragé par le ton de cette réponse à s’expliquer davantage. Il planta derrière son oreille une plume qu’il venait de tailler, ferma son canif avec un craquement aigu, et dit :

— Les fleurs du no 6 appartiennent à un enfant bossu, contrefait, alité, et semblent être les seuls plaisirs de sa triste existence. Combien y a-t-il d’années que je l’ai remarqué pour la première fois, faible enfant, se traînant sur une paire de petites béquilles ! Il y a peu de temps, sans doute ; mais si ce temps me paraît court en songeant à autre chose, je le trouve long, très-long quand je songe à ce malheureux. Il est triste de voir un petit enfant difforme, séparé des autres enfants, qui sont actifs et joueurs, et, contemplant de loin les jeux auxquels il lui est interdit de prendre part ; ce spectacle m’a souvent fort ému. — Il faut avoir bon cœur, dit Nicolas, pour accorder à de pareilles choses une attention que requièrent les tracas multipliés de chaque jour. Vous disiez… — Que les fleurs appartenaient à ce pauvre enfant, voilà tout. Lorsqu’il fait beau temps, et qu’il peut se traîner hors de son lit, il approche une chaise de la croisée, s’assied, et passe la journée à les regarder, à les arranger. Nous nous sommes fait d’abord des signes, puis nous avons entamé la conversation. Au commencement, quand je lui parlais le matin et lui demandais comment il se portait, il souriait et répondait : Mieux. Mais à présent il secoue la tête, et s’incline davantage vers ses plantes. Ce doit être pénible de ne voir, pendant tant de mois consécutifs, que les toits sombres et les nuages qui passent ; mais il a beaucoup de patience. — N’y a-t-il dans la maison personne pour le secourir ou