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NICOLAS NICKLEBY.

— Je le sais. Eh bien ? — Eh bien ! il a rôdé autour d’ici et m’a suivi dans la rue. Il me persécute tous les soirs, et me presse de le mettre en rapport avec vous. Il dit qu’il veut vous voir face à face, qu’il faut que vous l’écoutiez. — Et que lui répondez-vous ? demanda Ralph fixant sur son commis un œil perçant. — Que cela ne me regarde pas, qu’il n’a qu’à vous attendre dans la rue ; mais mes remontrances sont inutiles. Il dit qu’il veut être tête à tête avec vous, dans une chambre fermée à clef, où il pourra vous parler sans crainte, et que vous changerez bientôt de ton.

— Quelle audace ! — Voilà tout ce que je sais ; je vous répète que je ne le connais pas. Pourquoi m’interroger ? Vous l’avez vu ; vous le connaissez sans doute ? — Oui, reprit Ralph ; c’est un vagabond, un fainéant, un déporté libéré, un scélérat qu’on a lâché la corde au cou, un escroc qui a osé me tendre des piéges. La première fois qu’il vous arrêtera, livrez-le à la police, comme ayant tenté d’escroquer de l’argent par des mensonges et des menaces. Après quelque temps de prison, je parie qu’il ira chercher d’autres gens à duper. — J’entends. — Faites cela, et je vous récompenserai. Maintenant, vous pouvez vous retirer.

Newman se hâta de profiter de la permission, et alla méditer dans son bureau jusqu’au soir. La nuit venue, il courut se mettre en embuscade auprès de la pompe pour y attendre Nicolas ; car Newman était fier à sa manière, et ne pouvait se résoudre, avec ses humbles vêtements, à se présenter aux frères Cheeryble comme ami de leur protégé.

Il était à son poste depuis quelques minutes, lorsque Nicolas arriva.

— Je suis charmé de vous voir, dit-il ; je songeais à vous tout à l’heure. — Et moi à vous, répondit Newman. Je n’ai pu m’empêcher de venir ce soir ; je crois que je suis sur le point de découvrir quelque chose. — Quoi donc ? dit Nicolas souriant de cette singulière communication. — Je l’ignore, dit Newman ; c’est un secret qui concerne votre oncle, mais que je n’ai pas encore pu dévoiler, quoique j’aie de forts soupçons dont il est actuellement inutile de vous faire part pour ne pas vous exposer à des désappointements. — Moi ! s’écria Nicolas. — Vous-même. J’ai idée que ce secret vous intéresse. J’ai déterré un homme qui en sait plus qu’il n’en veut dire, et il a déjà lancé quelques mots pour m’intriguer ; mais il faut agir avec la plus grande circonspection, le vieux renard nous guette.

Nicolas essaya inutilement d’en savoir davantage. Seulement Newman lui expliqua comment, surpris par Ralph avec l’inconnu, il avait dérouté le susdit Ralph par une fausse naïveté.

Nicolas, qui connaissait les penchants qu’attestait suffisamment le nez de son ami,