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NICOLAS NICKLEBY.

conduisit Newman dans une taverne écartée, et, en passant en revue les événements qui avaient signalé leurs relations, ils parlèrent des amours de Nicolas.

— Ça me rappelle, dit Newman, que vous ne m’avez jamais dit le nom de la jeune personne. — Madeleine, dit Nicolas. — Madeleine, cria Newman. Quelle Madeleine ? Son autre nom… son autre nom ? — Bray, dit Nicolas étonné. — C’est elle ! s’écria Newman. Fâcheuse aventure ! Pouvez-vous rester aussi tranquille et laisser cet infâme mariage s’accomplir sans essayer de la sauver ? — Quel mariage ? que voulez-vous dire ? êtes-vous fou ? — Êtes-vous aveugle, sourd, muet, inanimé ? dit Newman. Savez-vous que dans un jour, grâce à votre oncle Ralph, elle va épouser un homme aussi méchant que lui, et pire s’il est possible ? savez-vous que dans un jour on va la sacrifier à un misérable voué au diable depuis sa naissance ? — Prenez garde à ce que vous dites, répliqua Nicolas. — Pourquoi ne m’avez-vous pas dit son nom ? nous aurions eu au moins le temps de la réflexion !

Il ne fut pas facile d’obtenir des renseignements de Newman. Dès que Nicolas eut entendu le funeste récit, pâle et tremblant de tous ses membres il s’élança hors de la maison.

— Arrêtez-le ! cria Newman courant à sa poursuite. Il va faire un coup de tête ; il va tuer quelqu’un ! Arrêtez-le !


CHAPITRE XLII.


Voyant Newman déterminé à l’arrêter à tout prix, Nicolas ralentit le pas, et lui permit de le rejoindre.

— Je vais chez Bray, dit Nicolas ; je veux le voir, et, s’il y a encore en son cœur les moindres sentiments d’humanité et de tendresse paternelle, je suis sûr de les réveiller. — Gardez-vous-en bien, répondit Newman. — Alors, dit Nicolas, je suivrai ma première impulsion, et j’irai droit chez Ralph Nickleby. — Mais il sera au lit quand vous arriverez. — Je l’en arracherai. — Bah ! bah ! calmez-vous. — Vous êtes le meilleur de mes amis, reprit Nicolas après un moment de silence. J’ai résisté à bien des malheurs ; mais, je le déclare, le coup qui frappe cette jeune fille me réduit au désespoir, et je ne sais que faire.

En effet, la situation était embarrassante. Il était impossible de faire usage de ce qu’avait appris Newman dans son placard ; le pacte de Ralph et de Gride ne suffisait ni pour faire casser le mariage, ni pour y rendre Bray contraire. Quant au prin-