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NICOLAS NICKLEBY.

Moi ! — De quel droit ? — Du droit que me donnent la justice, et le caractère bien connu de ceux dont je suis l’interprète. — Un mot, dit Ralph écumant de rage. — Pas un seul. Seulement recevez l’avis que je vous donne, vos jours sont passés et la nuit approche pour vous. — Malédiction sur vous, enfant ! — Qui s’inquiète de vos malédictions ? Le malheur, je vous en avertis, va s’attacher à vos pas. Tous vos artifices sont découverts. Vous êtes entouré d’espions, et aujourd’hui même une catastrophe imprévue vous a fait perdre dix mille livres. — C’est faux. — C’est vrai, et vous le reconnaîtrez. Mais ne perdons pas de temps. Écartez-vous. Catherine, passez la première.

Nicolas prit son fardeau entre ses bras, renversa Arthur Gride en passant, et sans que personne cherchât à l’arrêter, il parvint à la voiture où Catherine et la domestique l’avaient devancé. Il leur confia Madeleine, sauta à côté du cocher et s’éloigna à travers la foule que ces événements avaient attirée.


CHAPITRE XLV.


Madame Nickleby avait été préparée à recevoir Madeleine dans sa maison, mais ce n’avait pas été sans de nombreuses difficultés.

— Mais, Catherine, disait-elle, si messieurs Cheeryble aiment tant cette demoiselle, pourquoi ne l’épousent-ils pas eux-mêmes ? et pourquoi Nicolas se mêle-t-il d’empêcher les gens de se marier ? Qu’importe que cette demoiselle épouse un homme plus vieux qu’elle ? Votre pauvre père était plus vieux que moi de quatre ans et demi. Jane Dibabs… c’étaient les Dibabs qui demeuraient dans cette charmante petite maison blanche, couverte de lierre et de plantes grimpantes, dont la porte était garnie de chèvrefeuille, et où les chauves-souris et les grenouilles étaient si nombreuses le soir… Jane Dibabs épousa un homme qui était beaucoup plus âgé qu’elle ; et personne ne put l’en détourner, car elle l’aimait à la folie. Cette Madeleine n’est donc pas à plaindre.

Malgré les explications de Catherine, madame Nickleby demeura d’assez mauvaise humeur jusqu’au retour de l’expédition. Alors, intéressée par la jeunesse et les malheurs de Madeleine, elle lui témoigna la plus tendre sollicitude, et même se donna les gants de la conduite de son fils, en déclarant à plusieurs reprises que sans sa sagesse et ses encouragements on n’eût pas obtenu un résultat aussi inespéré.