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NICOLAS NICKLEBY.

qui tendraient à confirmer ce que vous avancez, ma mère, dit Nicolas après un moment de réflexion, cependant je souhaite que vous soyez dans l’erreur. — Je ne conçois pas pourquoi vous formez ce vœu. — Catherine serait-elle disposée à répondre à cette passion ? — C’est un point que je n’ai pas encore éclairci. Durant cette maladie, Catherine est constamment restée auprès de Madeleine, et à vrai dire, je n’ai pas cherché à l’en détourner ; car l’ennui de ne pas voir celle qu’il aime irrite l’amour d’un jeune homme…

Bien qu’il fût pénible à Nicolas de déranger les projets de sa mère, il sentit qu’il n’avait qu’un seul parti à prendre.

— Ma mère, dit-il, si M. Frank avait une inclination réelle pour Catherine, ne voyez-vous pas que nous ne saurions l’encourager sans déshonneur et sans ingratitude ? Vous n’avez pas réfléchi ; mais rappelez-vous que nous sommes pauvres… — Hélas ! la pauvreté n’est pas un crime. — Sans doute, et c’est pour cette raison que la pauvreté, loin de nous entraîner à des actions coupables, doit nous inspirer une noble fierté. Songez à ce que nous devons aux deux frères : serait-il juste de reconnaître leurs services en laissant épouser une jeune fille pauvre à leur neveu, leur seul parent, leur fils adoptif, pour lequel ils ont sans doute formé le projet d’un riche établissement ? ne seraient-ils pas en droit de croire que c’est de notre part une spéculation ?

Madame Nickleby murmura que M. Frank demanderait préalablement le consentement de ses oncles.

— Sans doute ; mais notre position resterait la même, et les avantages que nous procurerait cette union donneraient toujours lieu aux mêmes soupçons. D’ailleurs, en ces circonstances, je crois que nous comptons sans notre hôte. S’il en est autrement, j’ai assez de confiance en Catherine et en vous pour être sûr que vous vous rangerez à mon avis.

Après bien des représentations, Nicolas obtint de sa mère qu’elle ne favoriserait pas les internions présumées de M. Frank. Il résolut de ne pas s’expliquer avec Catherine sans nécessité, et d’observer lui-même la conduite de Frank ; mais une nouvelle source d’alarmes l’empêcha de mettre ce plan à exécution.

Smike devint dangereusement malade. Il était si faible, qu’il fallait l’aider à marcher, et si maigre, qu’il faisait peine à voir. Le médecin déclara qu’il était indispensable de l’éloigner de Londres, et désigna comme un lieu salubre la partie du Devonshire où Nicolas avait été élevé ; mais il avertit en même temps que celui qui