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NICOLAS NICKLEBY.

Smike timidement ; je serai votre serviteur laborieux et fidèle. Je n’ai pas besoin de vêtements, ceux-ci suffiront, ajouta-t-il en rajustant ses haillons ; tout ce que je désire, c’est de rester auprès de vous. — Et vous y resterez ! s’écria Nicolas, et le monde nous traitera l’un comme l’autre, jusqu’à ce que l’un de nous le quitte pour un monde meilleur. Allons, à la grâce de Dieu !

À ces mots, il chargea sa valise sur ses épaules, prit son bâton d’une main, tendit l’autre à Smike désormais placé sous sa tutelle, et tous deux sortirent de la vieille grange.


CHAPITRE XI.


Dans ce quartier de Londres où est situé Golden square, se trouve une rue en décadence, bordée de deux rangées irrégulières de grandes et maigres maisons, qui paraissent se regarder entre elles avec stupéfaction. On dirait que les cheminées mêmes sont devenues sombres et mélancoliques à force de n’avoir à contempler que les cheminées d’en face. Leurs faîtes sont fendus, lézardés et noircis par la fumée, et çà et là, un rang de cheminées plus grand que les autres, inclinant lourdement d’un côté, semble méditer de se venger d’un abandon séculaire en écrasant les habitants des galetas qu’il domine.

Newman Noggs logeait au troisième étage d’une de ces bicoques, dont le premier était occupé par M. Kenwigs, tourneur en ivoire. Sa femme, grande dame par les manières, était d’une excellente famille, ayant un oncle percepteur des contributions. En outre, ses deux filles aînées allaient deux fois par semaine à une école de dames du voisinage ; elles avaient des cheveux d’un blond fade tissés de rubans bleus et pendant en longue queue sur leur dos, et portaient de petits pantalons blancs à garnitures plissées autour des chevilles. Pour ces raisons et pour une infinité d’autres aussi valides, mais trop longues à énumérer, madame Kenwigs, considérée comme une personne de haute importance, était le sujet constant des taquets de toutes les commères de la rue, et même de trois ou quatre maisons des rues voisines.

C’était l’anniversaire de l’heureux jour où l’église anglicane avait uni M. et madame Kenwigs, et en commémoration de cet événement, on avait invité quelques amis à souper. La société se composait d’abord de la famille et du percepteur, M. Lillywick. Venait ensuite la jeune dame qui avait fait la robe de madame