Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/122

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dans sa personne un exemple légitime de propreté et de décorum à sa fille encore novice dans l’art de plaire. Après cela, devoir à part, et sans parler de sa responsabilité maternelle, ce changement se justifiait aisément par le simple sentiment de la charité la plus pure et la plus désintéressée. Le gentleman d’à côté avait été vilipendé par Nicolas. On l’avait traité rudement d’idiot et de vieil imbécile. Or, ces attaques contre son intelligence retombaient bien un peu sur Mme Nickleby ; il est donc possible qu’elle eût compris qu’en bonne chrétienne, elle devait, pour l’honneur de cette victime d’une criante injustice, ne rien négliger pour prouver qu’il n’était ni l’un ni l’autre. Pouvait-elle mieux faire, je vous le demande, pour un but si louable et si vertueux, que de démontrer à tous les yeux, en mettant en relief ses avantages personnels, que la passion du monsieur était la chose du monde la plus naturelle et la plus raisonnable, et le résultat tout simple (résultat facile à prévoir pour toute personne sage et discrète) de l’imprudence avec laquelle elle avait déployé ses charmes dans toutes les séductions de leur maturité, sans ménagement et sans réserve, sous l’œil même, pour ainsi dire, d’un cœur trop ardent et trop inflammable ?

« Ah ! disait Mme Nickleby en secouant la tête d’un air grave ; si Nicolas savait tout ce que son pauvre cher père a souffert avant notre union, du temps que je ne lui montrais que de la haine, il aurait un peu plus d’indulgence. Je n’oublierai jamais cette matinée où je le regardais avec mépris, lorsqu’il m’offrit de porter mon ombrelle, ou bien encore cette soirée où je lui ai fait la moue tout le temps ; c’est vraiment bien heureux qu’il n’ait pas pris le parti d’émigrer alors, mais je suis sûre que mes rigueurs lui en ont donné l’idée. »

Le défunt n’aurait-il pas mieux fait d’émigrer avant son mariage ? C’était une question sur laquelle Mme Nickleby n’eut pas le temps de s’appesantir ; car, au milieu de ses réflexions, elle vit entrer dans la chambre Catherine, sa fille, sa boîte à ouvrage à la main, et il n’en fallait pas tant, à coup sûr, pour donner aux pensées de Mme Nickleby un cours tout différent.

« Ma chère Catherine, dit-elle, je ne sais pas comment cela se fait, mais une journée d’été belle et chaude comme celle-ci, avec le chant des oiseaux de tous côtés, me rappelle toujours un cochon de lait à la broche avec une sauce à l’oignon à la française.

— Voilà une singulière association d’idées, maman, qu’en dites-vous ?

— Ma foi, je ne sais pas, répliqua Mme Nickleby. Cochon de lait à la broche ! Voyons ! cinq semaines après votre baptême,