Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous eûmes à la broche… non… ce ne pouvait pas être un cochon de lait ; car je me rappelle qu’il y avait deux pièces à découper, et votre pauvre papa et moi, nous n’aurions jamais eu l’idée de faire rôtir à la fois deux cochons de lait ; c’étaient sans doute des perdrix… Cochon de lait à la broche ! Maintenant que j’y pense, je ne crois pas que nous en ayons eu jamais à la maison, car votre papa ne pouvait même pas souffrir d’en voir quelqu’un étalé dans les boutiques. Il disait qu’il croyait voir des petits enfants de lait, si ce n’est que les petits cochons ont le teint beaucoup plus beau ; or, il avait horreur des petits enfants, la crainte qu’il avait de voir augmenter sa famille lui donnait pour eux une répugnance invincible… Mais alors, qu’est-ce qui peut donc m’avoir mis cela dans la tête ? Ah ! je me rappelle avoir dîné un jour chez Mme Bevan (vous savez, dans la grande rue, en détournant devant le carrossier, où cet ivrogne est tombé un jour par le soupirail d’une maison vacante, huit jours avant le terme, et ne fut découvert que lorsque le nouveau locataire fit son emménagement). Eh bien ! là, il y avait un cochon de lait à la broche. C’est là, sans aucun doute, ce qui me fait penser aux petits cochons, dans l’été. Avec cela qu’il y avait dans la salle à manger un petit serin qui n’a fait que chanter tout le temps du dîner… C’est-à-dire, non ce n’était pas un petit serin, c’était une perruche, et elle ne chantait pas précisément, mais elle parlait et jurait à faire frémir ; je crois bien que ce doit être ça, ou plutôt à présent j’en suis sûre. Ne pensez-vous pas comme moi, ma chère ?

— Comment donc ! mais il n’y a pas l’ombre d’un doute, maman, répondit gaiement Catherine avec un sourire.

— Non, ne plaisantez pas. Voyons ! Catherine, dites-moi si vous ne pensez pas comme moi, reprit Mme Nickleby avec autant de gravité que si c’était une question de l’intérêt le plus vif et le plus pressant. Si vous n’êtes pas de mon avis, dites-le : il faut être franche, surtout quand il s’agit d’un sujet véritablement aussi curieux et aussi remarquable que cette étrange relation d’idées. »

Catherine ne put s’empêcher de rire encore en répétant qu’elle était parfaitement convaincue, et, dans la crainte que sa mère n’eût pas encore épuisé cette question ou cette conversation déjà longue, elle lui proposa d’emporter leur ouvrage dans la serre, pour y jouir du beau temps.

Mme Nickleby ne se fit pas prier deux fois, et elles partirent pour la serre, ce qui coupa court à toute discussion.

« Eh bien ! dit Mme Nickleby en s’asseyant à sa place, j’avoue