Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

paraissez l’être, à en juger par votre langage et… et… votre mine (tout le portrait de votre grand-papa, ma chère Catherine, dans ses beaux jours), et me faire tout uniment la question que vous avez à m’adresser, je veux bien y répondre. »

S’il est vrai que l’excellent papa de Mme Nickleby ressemblait, dans ses beaux jours, au voisin à présent occupé à regarder par-dessus le mur, il faut avouer que ce devait être pour le moins, à la fleur de son âge, un vieux bonhomme bien ridicule. Ce fut sans doute aussi l’opinion de Catherine, qui prit sur elle d’examiner avec quelque attention le vivant portrait de son grand-père, au moment où il ôta son bonnet de velours noir pour exposer au jour une tête parfaitement chauve, et faire une longue kyrielle de révérences, avec accompagnement, à chaque fois, de baisers aériens. Enfin, après s’être épuisé, selon toute apparence, dans cet exercice fatigant, il se couvrit encore la tête, tira avec beaucoup de soin son bonnet par-dessus ses oreilles, et, reprenant sa première attitude, parla en ces termes :

« Voici la question… »

Ici il s’interrompit pour regarder de tous les côtés autour de lui, et s’assurer, d’une manière certaine, qu’il n’y avait personne à l’écouter. Quand il fut bien sûr de son fait, il se donna plusieurs fois une petite tape sur le nez, avec un air rusé, comme s’il se félicitait en lui-même de sa précaution, puis, étendant le col, il dit d’un ton de mystère, quoique assez haut :

« N’êtes-vous pas une princesse ?

— Vous vous moquez de moi, monsieur, répliqua Mme Nickleby, faisant semblant d’opérer sa retraite du côté de sa maison.

— Du tout ; mais, franchement, en êtes-vous une ? dit le vieux gentleman.

— Vous savez bien que non, monsieur.

— Alors, ne seriez-vous pas parente de l’archevêque de Canteburry ? demanda-t-il avec beaucoup d’intérêt, ou bien du pape à Rome, ou de l’orateur de la chambre des communes ? Veuillez m’excuser si je fais erreur, mais on m’a dit que vous étiez la nièce des commissaires du pavage, et la belle-fille du lord-maire et de la cour du conseil municipal, ce qui établirait naturellement votre parenté avec ces trois grands personnages.

— Monsieur, répondit Mme Nickleby avec vivacité, quiconque a tenu sur mon compte de tels propos a pris d’étranges libertés avec moi, et si mon fils Nicolas venait à le savoir, je suis certaine qu’il ne permettrait pas un instant qu’on abusât ainsi de mon nom. Cette idée ! ajouta Mme Nickleby en se redressant, la nièce des commissaires du pavage !