Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/149

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sur sa chaise, et pria son mari d’une voix défaillante de faire attention que, s’il allait s’exposer à quelque danger, son intention était d’avoir immédiatement une attaque de nerfs, et qu’elle pourrait avoir des suites plus sérieuses qu’il ne croyait.

John parut un peu déconcerté de cette dernière partie de l’avis que lui donna sa femme, quoique en même temps sa physionomie laissât paraître une espèce d’orgueil et de joie paternelle ; mais enfin ne pouvant se résoudre à se tenir là les bras croisés pendant qu’on se battait ailleurs, il fit avec sa femme une espèce de compromis en lui prenant le bras pour descendre promptement sur les pas de Nicolas, qui était déjà au bas de l’escalier.

Le corridor du café de l’hôtel était le théâtre du désordre, et l’on y voyait rassemblé tout l’établissement, habitués et domestiques, sans compter deux ou trois cochers et valets d’écurie. Ils formaient le cercle autour d’un jeune homme auquel on pouvait donner, d’après sa mine, deux ou trois ans de plus qu’à Nicolas, et qui ne paraissait pas s’être contenté des provocations dont nous venons de parler tout à l’heure ; il fallut qu’il eût poussé bien plus loin son indignation, car il n’avait plus à ses pieds que des bas, et l’on voyait seulement, non loin de là, une paire de pantoufles à la hauteur de la tête d’un personnage inconnu, étendu de tout son long dans un coin vis-à-vis, et qui avait tout l’air d’avoir été premièrement couché par terre par un coup de pied bien appliqué, puis ensuite souffleté gentiment avec les pantoufles.

Les chalands du café, les garçons, les cochers, les valets d’écurie, sans parler d’une fille de comptoir qui regardait par derrière la fenêtre à demi ouverte, avaient l’air pour le moment, autant qu’on en pouvait juger par leurs clignements d’yeux, leurs hochements de tête, leurs exclamations échangées à voix basse, fortement disposés à prendre parti contre le jeune gentleman, qui n’avait plus que ses bas dans les pieds. Nicolas s’en aperçut, et voyant un jeune homme à peu près de son âge qui n’avait pas l’air d’être un tapageur de profession, dans une situation difficile, cédant à une inspiration généreuse, qui n’est pas rare chez les jeunes gens, se sentit au contraire vigoureusement disposé à prendre son parti contre tout le monde, et c’est ce qui fit qu’il se jeta étourdiment au centre du groupe, demandant, d’un ton plus vif peut-être qu’il n’était prudent de le faire en pareille circonstance, pourquoi tout ce bruit-là.

« Hello ! dit un des valets d’écurie, voilà quelque prince déguisé.