Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/151

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jura sérieusement les spectateurs d’aller chercher la police, assurant qu’autrement il était bien sûr qu’il y aurait mort d’homme, et que d’ailleurs c’était lui qui était responsable de la porcelaine et des cristaux de l’établissement.

« Ce n’est pas la peine que personne se dérange pour aller chercher la police, dit le jeune homme, je veux rester à l’auberge toute la nuit, et l’on me trouvera bien ici demain matin, si l’on veut m’attaquer en justice.

— Pourquoi l’avez-vous frappé, aussi ? dit l’un des assistants.

— Oui, pourquoi l’avez-vous frappé ? » demandèrent tous les autres.

Le jeune homme, qui n’avait pas le bonheur de jouir de la popularité de ces honnêtes gens, regarda froidement autour de lui, et s’adressant à Nicolas :

« Vous me demandiez tout à l’heure, dit-il, ce qu’il y avait ? Voici ce qu’il y a, c’est bien simple. Cet individu, que vous voyez là-bas, était en train de boire, avec un de ses amis, dans le café, quand je suis venu moi-même y passer une demi-heure avant d’aller au lit : car j’ai préféré coucher ici, plutôt que d’aller à cette heure avancée de la nuit à la maison où l’on ne m’attend que demain. Si bien que cet individu se mit à s’exprimer en termes malhonnêtes et d’une familiarité insolente sur le compte d’une demoiselle que j’ai l’honneur de connaître et que je reconnus dans la conversation au portrait qu’il en fit au milieu de quelques inventions de son cru. Comme il parlait assez haut pour se faire entendre des personnes qui étaient là, je lui représentai très poliment qu’il se trompait dans ses conjectures, et, comme elles étaient d’une nature offensante, je le priai de ne pas recommencer. En effet, il se contint un bout de temps ; mais, comme il se mit en sortant à renouer conversation avec plus d’insolence que jamais, je n’ai pas pu m’empêcher de sauter sur lui et de lui faciliter son départ au moyen d’un coup de pied, qui l’a mis dans la position où vous venez de le voir tout à l’heure. Eh bien ! je prétends savoir mieux que personne ce que j’ai à faire, ajouta le jeune homme encore un peu échauffé de sa récente querelle, et s’il y a quelqu’un ici qui juge à propos de reprendre la discussion pour son propre compte, ce n’est pas moi qui m’y opposerai, qu’il vienne. »

Il se trouva justement que, dans la disposition d’esprit où était Nicolas, il n’y avait pas une dispute dont le dénouement lui parût plus louable et plus honorable. Toujours poursuivi par le souvenir de sa belle inconnue, il ne pouvait pas y avoir