Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/154

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échangèrent des poignées de main cordiales. Puis il lui présenta John Browdie, qui n’avait pas encore pu revenir de son admiration pour le jeune inconnu, depuis qu’il avait su si habilement retourner la demoiselle de comptoir. Puis vint la présentation à Mme Browdie, puis finalement ils montèrent tous pour passer ensemble une demi-heure d’amusement véritable et de satisfaction réciproque ; mais disons à l’honneur de Mme John Browdie, qu’elle commença la conversation par déclarer que, de toutes les petites effrontées qu’elle avait jamais vues, la demoiselle d’en bas était bien la plus légère et la plus laide.

Ce M. Frank Cheeryble, à en juger par le dernier incident, était un jeune homme qui avait la tête un peu chaude. Ce n’est pas absolument un miracle ni un phénomène dans l’histoire philosophique de l’humanité ; mais c’était en même temps un garçon de bonne humeur, qui avait de l’entrain et de la gaieté, dont la physionomie et la manière rappelaient tout à fait à Nicolas les excellents frères. Son ton était simple comme le leur. Il avait dans toute sa personne cet air de franche bonhomie qui gagne naturellement le cœur de tous ceux qui ont quelques sentiments généreux. De plus, c’était un garçon de bonne mine, intelligent, plein de vivacité, extrêmement enjoué, et qui, au bout de cinq minutes, s’était fait à toutes les excentricités de John Browdie, aussi aisément que s’il le connaissait d’enfance. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’au moment où il fallut se séparer pour aller coucher, il eût produit l’impression la plus favorable, non seulement sur le digne enfant du Yorkshire et sur sa femme, mais encore sur Nicolas qui, ruminant tout cela le long de son chemin, en retournant chez lui, finit par conclure qu’il venait de jeter là les fondements d’une liaison très agréable et très désirable pour lui.

« Mais n’est-ce pas une chose extraordinaire, se disait Nicolas, que la rencontre de cet employé du bureau de placement ? Il n’est pas vraisemblable que le neveu connaisse cette belle demoiselle. Lorsque Tim Linkinwater m’a donné à entendre l’autre jour que M. Frank venait ici pour être associé à ses oncles, il m’a dit en même temps qu’il était resté en Allemagne pendant quatre ans, pour y diriger les affaires de la maison, et qu’il avait passé les six derniers mois à établir une agence d’affaires dans le nord de l’Angleterre, cela fait bien quatre ans et demi… quatre ans et demi ! Elle, elle ne peut pas avoir plus de dix-sept ans, mettons dix-huit tout au plus ; c’était donc un enfant quand il a quitté Londres. Il ne pouvait la connaître, probablement même il ne l’avait jamais vue. Ainsi ce n’est pas lui qui peut