Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/171

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une affaire que je vous avais procurée ; et, pour punir ma persistance, vous m’avez fait arrêter, comme étant mon créancier pour une avance de deux cent cinquante francs et quelques centimes, à cinquante pour cent d’intérêt ou à peu près.

— Je me rappelle quelque chose comme cela, répliqua Ralph d’un air insouciant ; et puis après ?

— Nous ne nous sommes pas brouillés là-dessus. J’ai fait ma soumission sous les verrous et les grilles derrière lesquelles vous m’aviez claquemuré ; et, comme vous n’étiez pas alors aussi huppé que vous êtes aujourd’hui, vous n’avez pas été fâché de reprendre un commis un peu dégourdi, et qui s’entendît à votre genre de trafic.

— Dites que vous avez imploré, mendié mon assistance, et que j’ai cédé à vos prières, répondit Ralph. C’était bien de la bonté de ma part, ou peut-être avais-je besoin de vous, je ne me le rappelle pas. Cependant je suis porté à croire que vous pouviez me servir, car sans cela je vous aurais bien laissé implorer ma pitié jusqu’à demain. Vous étiez un homme utile, pas trop honnête, pas trop scrupuleux, pas trop délicat, ni d’action, ni de sentiment, mais enfin vous étiez un homme utile.

— Utile ! je le crois bien, dit l’étranger. Vous m’aviez déjà bien vexé, bien maltraité, plusieurs années auparavant, sans que je vous servisse moins fidèlement jusqu’alors, malgré votre dureté. N’est-ce pas vrai ? »

Ralph ne répondit pas.

« N’est-ce pas vrai ? répéta l’autre.

— Vous aviez fait votre besogne, répliqua Ralph, et moi je vous avais payé vos gages. Il me semble que nous ne nous devons rien, nous étions quittes.

— Alors, peut-être ; mais depuis ?

— Si nous ne le sommes pas depuis, c’est que nous ne l’étions pas même alors ; car vous venez de le dire vous-même, vous me deviez de l’argent et vous m’en devez encore.

— Oui, mais ce n’est pas tout, dit l’étranger avec vivacité ; ce n’est pas tout, remarquez bien. Je n’avais pas oublié le mal que vous m’aviez fait comme vous pouvez le croire ; aussi la rancune d’un côté, et, de l’autre, l’espoir de gagner à cela quelque argent, me firent profiter de ma position près de vous, pour m’emparer d’un secret qui me donnât prise sur vous. Je le tiens, et vous sacrifieriez bien la moitié de ce que vous possédez pour le connaître, mais ce n’est que par moi que vous pouvez le connaître. Je vous ai donc quitté, bien longtemps après, vous vous rappelez, et, pour un pauvre petit démêlé avec la loi que, vous