Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/175

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Guidé par le bruit d’un grand nombre de voix parlant toutes ensemble, il passe, dans son impatience, par-devant la servante, dès les premières marches de l’escalier, et monte rapidement jusqu’au petit salon, où il se trouve tout à coup, avec stupéfaction, en face d’une scène de désordre inexprimable.

Toutes les demoiselles de l’atelier étaient là, les unes en chapeau, les autres en cheveux, toutes dans des attitudes diverses, mais en proie aux mêmes alarmes et montrant la même affliction. Il y en avait de groupées autour de Mme Mantalini, qui était assise tout en larmes, d’autres autour de M. Mantalini, sans contredit le personnage le plus saisissant de toute la troupe. Il était étendu de tout son long, les pieds sur le parquet, la tête et les épaules soutenues par un grand laquais qui ne paraissait pas trop savoir qu’en faire. M. Mantalini avait les yeux fermés, la figure pâle, les cheveux jusqu’à un certain point hérissé, les favoris et les moustaches aplatis, les dents serrées, une petite fiole dans la main droite et une petite cuiller à thé dans la main gauche. Ses bras, ses pieds, ses jambes, ses épaules, tout était roide et inerte. Néanmoins, Mme Mantalini, au lieu de verser des larmes sur le corps de son bien-aimé, criait et tempêtait sur sa chaise. Tout cela au milieu d’un tumulte de langues tout à fait étourdissant, et dont la confusion paraissait avoir mis l’infortuné laquais dans la perplexité la plus désespérante.

« Qu’est-ce qu’il y a donc ici ? » dit Ralph en s’avançant brusquement.

À cette question, les clameurs devinrent vingt fois plus bruyantes, et firent éclater en même temps une foule de réponses contradictoires. « Il s’est empoisonné. — Il ne s’est pas empoisonné. — Envoyez chercher le médecin. — N’en faites rien. — Il se meurt. — Ce n’est pas vrai, il fait semblant. » Sans compter d’autres cris divers proférés avec une volubilité étourdissante, jusqu’à ce qu’enfin on vit Mme Mantalini en conversation directe avec Ralph. Alors la curiosité de savoir ce qu’elle pouvait lui dire calma la douleur de ces dames, et, comme d’un accord unanime, rétablit à l’instant un silence profond, qui ne fut pas même interrompu par le moindre chuchotement.

« Monsieur Nickleby, dit Mme Mantalini, par quel hasard êtes-vous venu en ce moment, quelle singulière rencontre ! »

Ici on entendit une voix tremblotante pousser, dans une espèce de délire supposé, ces mots autrefois sûrs de leur effet : « Diable de charmante petite femme ! » Mais personne n’y fit at-