Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Encore des calomnies ! cria Squeers ; vous vous rappellerez cela ; vous ne valez pas la poudre et le plomb d’un coup de pistolet, mais vous me le payerez d’une manière ou d’une autre.

— Arrêtez, dit Ralph interrompant cette scène au moment où Snawley allait reprendre la parole ; allons au fait au lieu de nous disputer avec des vauriens sans cervelle. Voici votre fils, et vous êtes prêt à en donner la preuve ?… Et vous, monsieur Squeers, vous reconnaissez bien ce garçon pour être le même que vous avez gardé chez vous depuis nombre d’années sous le nom de Smike, n’est-ce pas ?

— Si je le reconnais, répondit Squeers, par exemple !

— Bien, dit Ralph ; quelques mots suffiront pour tout expliquer ; n’aviez-vous pas, monsieur Snawley, un fils de votre première femme ?

— Oui, monsieur, et c’est celui que vous voyez devant vous.

— C’est ce que nous allons faire voir, dit Ralph. N’étiez-vous pas séparé de votre femme, et n’avait-elle pas emmené avec elle son enfant quand il n’avait encore qu’un an ? Un an et demi après votre séparation, n’avez-vous pas reçu d’elle la nouvelle que l’enfant était mort, et ne l’avez-vous pas cru ?

— Certainement, je l’ai cru, répliqua Snawley ; aussi ma joie de…

— Soyez raisonnable, monsieur, je vous en prie, dit Ralph ; ne mêlons pas la sensibilité aux affaires. Votre femme donc est morte, il y a à peu près dix-huit mois, dans un petit endroit où elle était femme de charge dans une famille ; est-ce bien cela ?

— C’est bien cela, répondit Snawley.

— À son lit de mort elle vous écrivit une lettre d’aveu qui, ne portant d’autre suscription que votre nom sans adresse, a mis nécessairement beaucoup de temps avant de vous parvenir : vous ne l’avez reçue qu’il y a peu de jours ?

— Tout cela, monsieur, dit Snawley, est d’une parfaite exactitude : il n’y a pas un détail inexact.

— Or, reprit Ralph, elle vous confessait, dans cette lettre, que la mort de son fils, dont elle vous avait entretenu, n’était qu’une invention de sa part pour blesser vos sentiments, car il semble que vous en étiez venus ensemble à vous jouer tous les plus mauvais tours que vous pouviez. Or, cet enfant, prétendu mort, était réellement vivant, quoique d’une intelligence faible et bornée. Elle l’avait fait placer, par une personne de confiance, dans une pension à bon marché du Yorkshire. Elle avait payé les frais de son éducation pendant quelques années ; puis, se voyant pauvre et partant pour un long voyage qui la séparait de lui, elle