Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/202

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but, car ils étaient obligés de se faire représenter dans ce commerce par quelque intermédiaire, qu’après mûre délibération, ils s’étaient décidés à charger Nicolas de cette mission délicate.

« Le père me connaît, dit frère Charles ; il connaît aussi mon frère Ned : ainsi nous ne pouvons nous présenter ni l’un ni l’autre. Frank est un excellent garçon, un brave garçon, mais nous avons peur de le trouver un peu volage et un peu léger dans une question qui exige tant de ménagements ; et puis, qui sait, il pourrait prendre feu un peu trop vite, car la demoiselle est bien belle, monsieur, tout le portrait de sa pauvre mère, et, s’il venait à s’éprendre d’elle avant de s’en être bien rendu compte lui-même, il ne ferait que porter le trouble et le chagrin dans un cœur innocent où nous nous trouverions heureux, au contraire, de pouvoir ramener par degrés le bonheur et la paix. Avec cela, il avait déjà pris un intérêt extraordinaire à son sort la première fois qu’il la rencontra, car, si les renseignements que nous avons pris sont exacts, c’était pour elle qu’il avait fait tout ce tapage qui a été l’occasion de votre première connaissance. »

Nicolas balbutia qu’il s’était déjà douté que cela pouvait bien être, et, pour justifier cette supposition qu’il avait faite, il raconta où et quand il avait vu lui-même la jeune personne.

« Eh bien ! vous voyez, continua frère Charles, que lui non plus ne pourrait pas convenir. Quant à Tim Linkinwater, il n’en faut pas parler ; car Timothée, monsieur, est un gaillard si terrible, que rien ne pourrait l’empêcher d’en venir aux gros mots avec le père en moins de cinq minutes d’entrevue. Vous ne connaissez pas Timothée, monsieur : vous ne pouvez pas vous le figurer lorsqu’il est excité par quelque circonstance qui agit fortement sur sa sensibilité ; alors, monsieur, il devient effrayant, Tim Linkinwater,… tout à fait effrayant ! C’est donc sur vous que nous reposerons toute notre confiance ; nous avons trouvé en vous, ou plutôt j’ai trouvé en vous, mais cela revient au même, car mon frère Ned et moi, c’est la même chose, si ce n’est qu’il est bien le meilleur homme de la terre, et qu’il n’a pas, qu’il n’aura jamais son pareil dans le monde… Je répète donc que nous avons trouvé en vous les vertus et les affections domestiques unies à une grande délicatesse de sentiment qui vous rendent tout à fait propre à une telle mission ; c’est donc vous, monsieur, qui ferez l’affaire.

— Et la demoiselle, monsieur, dit Nicolas, si embarrassé