Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/205

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la grille mal assurée qui pendillait sur ses gonds brisés, s’entrebâillant devant les visiteurs, mais pas assez pour les laisser passer. Il y passa pourtant, et frappa à la porte d’entrée d’une main tremblante.

La maison, à l’intérieur, offrait une assez pauvre apparence : une fenêtre sombre, au parloir, garnie de jalousies mal peintes et de rideaux de mousseline malpropres, croisant au bas des vitres à l’aide de cordons lâches et mous ; mais, après avoir ouvert la porte, on ne trouvait pas que l’intérieur répondait mal au dehors. L’escalier était garni d’un tapis passé ; le corridor d’une toile cirée qui n’avait pas souffert moins d’avaries ; pour plus d’agrément, on voyait, en passant dans le parloir et sur le devant, fumer (quoiqu’il ne fût pas encore midi), un de ces messieurs les privilégiés du banc du roi, pendant que la dame de la maison était activement occupée à mastiquer avec de l’encaustique les pieds disjoints d’un bois de lit à la porte de l’arrière-salle, sans doute pour recevoir quelque nouveau locataire qui avait eu le bonheur de la louer pour son domicile.

Nicolas eut tout le temps de faire ces observations, pendant que le petit saute-ruisseau chargé de faire les commissions des locataires de la maison, descendait quatre à quatre l’escalier de la cuisine pour crier après la domestique de Mlle Bray. La servante, en effet, ne se fit pas attendre ; elle sortit d’une espèce de cave éloignée, pour faire son apparition au grand jour, et pria Nicolas de la suivre, sans faire attention aux symptômes d’agitation nerveuse et de malaise fiévreux que trahissait toute la personne du jeune étranger, et cela tout bonnement pour avoir demandé à voir la jeune demoiselle.

Il monta néanmoins, fut introduit dans une pièce sur le devant où il vit, assise près de la fenêtre, à une petite table fournie de tous les ustensiles nécessaires pour les dessins ébauchés, la belle jeune fille qui occupait sa pensée, et qui, dans ce moment même, entourée de tout le prestige nouveau dont le récit du frère Charles avait embelli son histoire aux yeux de Nicolas, lui semblait mille fois plus belle encore qu’il ne l’avait jamais supposée.

Mais ce furent surtout les petites décorations pleines de grâce et d’élégance répandues autour de cette chambre si pauvrement meublée, qui allèrent au cœur de Nicolas : des fleurs, des plantes, des oiseaux, la harpe, le vieux piano dont les touches avaient rendu sous ses doigts des sons plus joyeux au temps jadis. Par combien de peines et d’efforts avait-elle pu réussir à conserver aujourd’hui ces deux derniers anneaux de la chaîne brisée, qui la rattachaient, par le souvenir, à la maison maternelle où elle