Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/221

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comparaison des lèvres vermeilles, des cheveux en grappes et de toutes ces autres belles choses que vous aurez à vous tout seul. Enfin, troisième et dernier article, vous me signerez aujourd’hui même l’engagement de m’acquitter le tout, le jour de votre mariage avec Madeleine Bray, avant midi sonnant. Vous me disiez tout à l’heure que j’étais en état de parler, de presser, d’emporter une difficulté, eh bien je tiens à emporter celle-là, et je suis décidé à n’en rien rabattre. Vous accepterez mes conditions si cela vous fait plaisir,… sinon, mariez-vous sans moi si vous pouvez, ma créance sera toujours payée. »

Prières, protestations, contre-propositions d’Arthur Gride, Ralph fut sourd à tout ; il ne voulut pas même rentrer dans la discussion du sujet ; il laissa le vieil Arthur se donner carrière sur l’énormité de ses exigences, sur les modifications qu’il y faudrait apporter ; il le laissa faire, de moment en moment, un pas de plus vers les conditions auxquelles il résistait d’abord, sans bouger sur sa chaise, sans rien dire, parfaitement muet, examinant l’un après l’autre, avec l’air de ne rien entendre, les papiers et les notes de son portefeuille.

En voyant son ami rester ferme comme un roc, Arthur Gride qui, avant de venir, s’était préparé à quelque désagrément de ce genre, finit, bon gré mal gré, par signer tous les articles du traité, y compris l’engagement en question, sur papier timbré (Ralph en avait toujours une provision toute prête). Il y mit seulement la condition que M. Nickleby l’accompagnerait sur l’heure même au logement de Bray pour entamer immédiatement les négociations, dans le cas où ils viendraient à trouver les circonstances propices et favorables à leur dessein.

En exécution de cette convention, la digne paire d’amis sortit presque aussitôt, et Newman Noggs apparut, bouteille en main, s’élançant aussi de son armoire, par-dessus laquelle, entr’ouvrant la porte supérieure, il avait plus d’une fois, au risque périlleux d’être découvert, passé sa trogne pour mieux entendre certaines parties du complot ou certains points de la discussion qui l’intéressaient davantage.

« Je n’ai plus faim, dit Newman mettant son flacon dans sa poche ; j’ai dîné. »

Après cette observation faite d’un ton dolent et chagrin, il alla d’un saut jusqu’à la porte et revint de même sur ses pas.

« Je ne sais pas, dit-il, quelle est, ni quelle peut être cette jeune fille, mais je la plains de tout mon cœur et de toute mon âme, sans pouvoir la défendre, pas plus que mille autres personnes exposées comme elle tous les jours à de lâches complots,