Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/260

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fance, et lui donnent d’avance toutes les infirmités et la faiblesse de l’âge, sans pouvoir seulement lui donner, comme l’âge, le bonheur de mourir.

Plût à Dieu qu’ils fussent vrais, les vieux contes dont nous bercent nos nourrices, et que les Bohémiens, ces prétendus voleurs d’enfants, en volassent par là, à la douzaine !

La grande course du jour venait de finir, et, de chaque côté de la corde, les longues lignes de spectateurs se rompant tout à coup pour verser la foule dans l’enceinte, donnaient à la scène une animation nouvelle et un mouvement plein de vie. Il y en avait qui se précipitaient de ce côté pour apercevoir le cheval vainqueur ; d’autres couraient de droite et de gauche, avec non moins d’ardeur, à la recherche de leur cocher qu’ils avaient laissé occupé à choisir une bonne place pour leur voiture. Ici un petit groupe se formait autour d’une table pour voir plumer quelque innocent badaud à un jeu de hasard. Plus loin, un autre industriel, entouré de ses compères dissimulés sous des travestissements divers, l’un avec des lunettes, l’autre avec un lorgnon et un chapeau à la dernière mode ; l’autre habillé en fermier cossu, son manteau sur le bras et ses billets de banque dans un grand portefeuille de cuir ; plusieurs autres villageois, avec leurs gros fouets à la main pour figurer d’innocents campagnards qui étaient venus sur leur bidet voir la fête, essayait par son bagout bruyant et sonore, ou par l’annonce de quelque tour d’adresse, de faire tomber dans le panneau un chaland imprudent, pendant que messieurs ses associés, dont la mine basse jurait avec leur linge blanc et leur costume élégant, trahissaient le vif intérêt qu’ils prenaient au succès de la chose, en échangeant entre eux un regard furtif, à l’arrivée de quelque nouveau venu. Ailleurs, des flâneurs prenaient place à l’arrière d’un large cercle de curieux assemblés autour d’un bateleur ambulant, et de son orchestre retentissant, ou se pressaient pour voir le classique combat de taureaux. Cependant les ventriloques, occupés à des dialogues intéressants avec des poupées de bois, des diseuses de bonne aventure occupées à faire taire les cris importuns des enfants qui gênent leur commerce, partageaient avec toutes ces professions variées l’honneur d’attirer l’attention générale du public. Les cabarets en plein vent étaient pleins. On commençait à entendre dans les équipages le cliquetis des verres : on y vidait les paniers chargés de toutes sortes de provisions séduisantes ; on jouait des couteaux et des fourchettes ; le champagne faisait sauter le bouchon ; les yeux, animés déjà par le plaisir, pétillaient bien mieux encore, et les fi-