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CHAPITRE XVIII.

Grave catastrophe.

Les petites courses de Hampton étaient en plein exercice : la gaieté coulait à pleins bords : le jour était éblouissant : le soleil, au haut d’un ciel sans nuage, brillait de son plus vif éclat : le siège des cochers, le haut des tentes, faisaient flotter dans les airs des banderoles aux couleurs resplendissantes, qui n’avaient jamais eu de reflets plus éclatants.

Les vieux drapeaux passés semblaient remis à neuf sous un ciel étincelant ; les dorures ternies reluisaient plus brillantes ; la toile sale et jaunâtre qui défendait les spectateurs contre les ardeurs du jour paraissait blanche comme la neige ; il n’y avait pas jusqu’aux haillons du mendiant qui ne se décorassent d’une teinte assez poétique pour que la charité s’oubliât elle-même dans un sentiment d’admiration passionnée en présence d’une pauvreté si pittoresque.

C’était enfin une de ces scènes d’activité vivante et animée, prises à leur beau moment de vivacité et de fraîcheur, où elles ne peuvent manquer de plaire, car, pour peu que l’oreille soit étourdie de bruit et de tapage sans fin, l’œil n’a qu’à se reposer, n’importe où, sur des visages curieux, heureux, expressifs, et l’oreille n’a qu’à confondre ces sons étourdissants dans l’explosion générale de joie et d’allégresse qui égaye ce tableau. Même la figue hâlée des enfants de Bohême, groupés ou couchés demi-nus, contribue au plaisir. On aime à voir dans leurs traits que le soleil a passé par là ; à y reconnaître l’air et la lumière dont ils sont baignés tous les jours ; on sent que ce sont de vrais enfants qui vivent comme des enfants de la nature. Si leur oreiller est quelquefois humide, ce n’est pas de leurs larmes, c’est de la rosée du ciel. Les membres de leurs petites filles sont libres comme l’air, au lieu d’être soumis de force aux horribles tortures qui imposent à leur sexe, dans les fabriques, la gêne la plus pénible et les grimaces les plus disgracieuses. Ils vivent au jour le jour, c’est vrai, mais au milieu des arbres qui se balancent sur leur tête, et non parmi les affreuses machines qui vieillissent l’enfant avant qu’il sache seulement ce que c’est que l’en-