Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/265

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lord Verisopht, je vous assure qu’il faut avoir le courage et la hardiesse de Hawk pour se montrer si tôt en public : ce que j’en dis, c’est dans son intérêt ; mais vraiment il a du courage. Il s’est absenté tout juste assez, voyez-vous, pour exciter la curiosité, mais pas assez pour faire oublier aux gens cette diable de désagréable… À propos… vous connaissez, comme de raison, les détails publics sur cette affaire ; pourquoi donc n’avez-vous pas démenti ces maudits journaux ? il est bien rare que je les lise, mais je les ai parcourus dans cette espérance, et franchement…

— Eh bien ! parcourez-les demain… non, après-demain ; voulez-vous ? interrompit sir Mulberry en se retournant tout à coup.

— Ma foi, mon cher ami, je ne lis guère les journaux, dit l’autre en haussant les épaules ; mais je lirai celui-là pour vous faire plaisir. Qu’est-ce que nous y verrons ?

— Bonjour ! » répondit sir Mulberry en tournant brusquement sur ses talons avec son pupille. Puis ils reprirent le pas de flâneurs nonchalants dont ils étaient entrés, et parcoururent le salon tranquillement, bras dessus bras dessous.

« Ce n’est pas un cas de mort violente que je lui donnerai le plaisir de lire dans le journal après-demain, marmotta sir Mulberry avec un gros juron, mais il ne s’en faudra de guère. On peut couper la figure à un homme à coups de cravache et l’étriller à coups de canne sans le faire mourir sous le bâton. »

Lord Frédérick ne répondit rien ; mais il y avait dans son air quelque chose de déplaisant pour sir Mulberry, qui continua d’un ton aussi féroce que s’il avait parlé à Nicolas lui-même, au lieu de s’adresser à son ami.

« J’ai envoyé ce matin avant huit heures Jenkins chez le vieux Nickleby ; Nickleby n’a pas perdu de temps ; il était chez moi avant le retour de l’autre. En cinq minutes il m’a mis au courant de tout : je sais où trouver le gredin ; il m’a dit le lieu et l’heure ; mais pas tant de paroles, demain sera bientôt venu.

— Et qu’est-ce qu’on fera demain ? » demanda lord Frédérick languissamment.

Sir Mulberry Hawk l’honora d’un regard courroucé, mais ne daigna pas lui faire d’autre réponse. Ils continuèrent leur promenade taciturne, occupés chacun de leurs secrètes pensées, jusqu’à ce qu’ils eussent traversé la foule ; et, quand ils se virent seuls, sir Mulberry fit un demi-tour pour s’en aller.

« Un instant, lui dit son compagnon, je veux vous parler… sérieusement ; ne vous en retournez pas ; promenons-nous encore ici quelques minutes.