Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/264

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montrant pour la première fois en public, après ce qui lui était arrivé, il devenait nécessairement un objet de curiosité. Et il était facile de voir que, s’il se montrait aux courses ce jour-là, c’était moins pour prendre sa part des plaisirs de la fête que pour y rencontrer à la fois un grand nombre de ses connaissances et se débarrasser d’un coup des ennuis de sa rentrée officielle. Il restait encore sur sa figure une légère cicatrice qu’il ne cessait de dissimuler avec son gant toutes les fois qu’il rencontrait quelqu’un qui venait à le reconnaître. Car il ne se passait pas de minute que quelque allant et venant ne le saluât en passant ; et la précaution qu’il prenait de cacher sa blessure ne faisait que rendre plus visible la honte qu’il ressentait de sa mésaventure.

« Ah ! c’est vous, Hawk, dit un élégant portant un habit à la dernière mode, une cravate d’un goût exquis et tous les autres accessoires de toilette qui font la réputation d’un dandy. Comment cela va-t-il, mon vieux ? »

Or, il est bon de savoir que c’était un homme qui faisait concurrence à sir Mulberry pour mettre la dernière main à l’éducation des jeunes gentilshommes, et par conséquent le personnage que Hawk détestait le plus cordialement et craignait le plus de rencontrer en cette occasion. Ils se donnèrent une poignée de main avec les démonstrations de la satisfaction la plus vive.

« Eh bien ! mon vieux, cela va-t-il mieux à présent, hein ?

— Très bien, très bien, dit Mulberry.

— Ah ! j’en suis bien aise, dit l’autre : et vous, Verisopht, comment vous portez-vous ? Il est un peu battu de l’oiseau, ce me semble, notre ami. Il n’a pas encore repris tout à fait son assiette. Hein ? »

Notez que ce monsieur avait les dents très-blanches et que, toutes les fois que la conversation ne prêtait pas à rire, il finissait généralement par cette interjection commode, pour ne pas perdre l’occasion de montrer la blancheur de son râtelier.

« Mais, dit le jeune lord négligemment, il est tout à fait dans son assiette ordinaire, il n’y a rien de changé, que je sache.

— Ma parole d’honneur, repartit l’autre, je suis charmé de cette nouvelle. Y a-t-il longtemps que vous avez quitté Bruxelles ?

— Nous ne sommes arrivés à Londres, dit lord Frédérick, que cette nuit, assez tard. »

Pendant ce temps-là, sir Mulberry s’était retourné pour causer avec un de ses acolytes, et faisait semblant de ne pas entendre cette conversation.

« Eh bien ! continua son rival, affectant de parler tout bas à