Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/289

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« Je vais de ce pas chez Bray, dit Nicolas, je veux le voir, et, si je n’éveille pas chez lui quelque sentiment d’humanité, quelque étincelle d’affection pour sa fille, privée de l’appui d’une mère et des secours de l’amitié, c’est qu’il ne bat plus rien dans sa poitrine.

— Vous n’en ferez rien, répliqua Newman, gardez-vous-en bien.

— Eh bien ! alors, dit Nicolas avec la même vivacité, je vais suivre ma première idée, je vais tout droit chez Ralph Nickleby.

— Pendant que vous ferez le chemin, il sera déjà au lit.

— Je saurai bien l’en faire sortir, dit Nicolas.

— Bah ! bah ! dit Noggs, calmez-vous.

— Écoutez, repartit Nicolas après un moment de silence, en tenant, pendant qu’il parlait, la main de son ami dans la sienne, vous êtes le meilleur de mes amis, Newman ; j’ai déjà résisté à bien des épreuves, mais aujourd’hui l’événement dont il s’agit détruit le bonheur d’une autre, et d’une manière si cruelle que je vous déclare que vous voyez en moi un homme réduit au désespoir. »

Et, en effet, il semblait qu’il n’y eût pas d’espoir. Quel usage faire du secret que Newman Noggs avait surpris du fond de son armoire ? Il n’y avait rien dans le complot formé entre Ralph Nickleby et Gride qui pût donner prétexte à une opposition légale contre le mariage ; rien même qui pût y faire renoncer Bray, qui, certainement sans en connaître positivement les détails, devait en soupçonner le fond. Quant aux intérêts cachés que quelques mots d’Arthur Gride n’avaient guère fait qu’indiquer, il était évident qu’il y avait là encore quelque fraude nouvelle dont Madeleine était victime ; mais, dans la bouche de Newman Noggs, et sous l’influence répétée de son pistolet de poche, les détails en restaient tout à fait inintelligibles et plongés dans les plus profondes ténèbres.

« Je ne vois pas le moindre rayon d’espérance, dit Nicolas.

— Raison de plus pour garder son sang-froid, sa raison, sa réflexion, sa tête libre, dit Newman pesant sur chaque mot alternativement et s’arrêtant pour en voir l’effet sur le visage de son ami. Où sont les frères ?

— Ils sont tous deux à l’étranger pour affaires de commerce, et ne reviendront pas avant huit jours.

— Mais n’y a-t-il pas moyen de correspondre avec eux, d’en avoir seulement un à Londres demain soir ?

— Impossible, dit Nicolas, la mer nous sépare. En supposant