Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/332

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force, il n’y a donc plus qu’une chose à faire, c’est de le mettre à la porte à coups de pied dans le derrière, et à le traîner dans le ruisseau comme un vagabond qu’il est. Ce drôle-là, remarquez bien, n’amène ici sa sœur que pour lui servir de sauvegarde à lui-même ; il compte que nous n’aurons pas le cœur d’exposer au spectacle des outrages et des corrections qu’il mérite, et qui ne sont pas nouveaux pour lui, une jeune fille assez imbécile pour le protéger de sa présence. J’ai eu beau avertir la petite sotte de s’en aller, il la retient près de lui, comme vous voyez, et s’attache aux cordons de son tablier comme un moutard aux jupes de sa mère. Ne voilà-t-il pas un joli garçon pour faire le rodomont comme vous l’avez entendu tout à l’heure !

— Et comme je l’ai entendu hier soir, dit Arthur Gride ; comme je l’ai entendu hier soir, quand il s’est faufilé dans mon domicile et que, hé ! hé ! hé ! et qu’il s’est faufilé lestement dehors, presque mort de frayeur ! Et c’est là l’homme qui voudrait épouser Madeleine ! N’y a-t-il pas autre chose qu’on pourrait faire, monsieur pour vous être agréable, sans vous céder ma femme ? Payer vos dettes, par exemple, ou bien vous mettre dans vos meubles, ou vous donner quelques billets de banque, pour vous servir de linges à barbe, quand vous aurez de la barbe ? Hé ! hé ! hé !

— Une fois, deux fois, petite fille, dit Ralph se tournant encore vers Catherine ; persistez-vous à rester ici pour vous faire jeter à bas de l’escalier, comme une gourgandine ? car je vous jure que c’est ce que je vais faire, si vous restez plus longtemps. Vous ne répondez pas ? Eh bien ! en ce cas, ne vous en prenez qu’à votre frère de ce que vous allez voir. Gride, appelez Bray, qu’il descende sans sa fille. Qu’on la garde là-haut. »

Nicolas alla se poster devant la porte, et de cette voix comprimée dont il avait déjà parlé tout à l’heure, sans trahir d’ailleurs plus d’émotion qu’auparavant :

« Si vous tenez à votre peau, dit-il, restez où vous êtes, monsieur.

— Ne l’écoutez pas, dit Ralph ; c’est moi seul que vous devez écouter : appelez Bray, Gride.

— N’écoutez ni l’un ni l’autre, si vous voulez, reprit Nicolas ; mais écoutez votre intérêt, et vous vous tiendrez tranquille.

— Voulez-vous appeler Bray ? cria Ralph.

— Rappelez-vous, dit Nicolas, que si vous m’approchez, vous vous en repentirez. »

Gride hésitait. Pendant ce temps-là, Ralph, furieux comme un tigre qu’on irrite, fit un pas pour ouvrir la porte, et, pour