Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/338

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avait que ses enfants qui avaient toujours raison, et elle n’avait rien de mieux à faire que d’être toujours de leur avis. Pendant une heure de suite, toutes les concessions, toutes les déférences de Catherine n’obtinrent d’autre réponse : « Oh ! certainement ! pourquoi me demander quelque chose, à moi ?… On sait bien que mon opinion, à moi, ne tire pas à conséquence… Qu’importe ce que je puis en dire, moi ? »

Et quand elle voulait se donner l’air d’être trop résignée pour rien dire, elle se contentait d’exprimer les mêmes sentiments en hochant la tête, en levant les yeux en l’air, en commençant de petits gémissements qu’elle terminait, pour les dissimuler, en une petite toux. Elle en était encore là lorsque Nicolas et Catherine revinrent avec l’objet de leur tendre sollicitude. Satisfaite alors d’avoir suffisamment établi son importance, à ce qu’il lui semblait, par son abnégation prétendue ; prenant, d’ailleurs, au fond un intérêt véritable aux épreuves de cette jeune et belle victime, non seulement elle se mit à déployer toute son activité et tout son zèle, mais elle crut qu’il y allait de son honneur de louer hautement la conduite de son fils, et ne cessa de déclarer, avec un coup d’œil expressif, qu’il était bien heureux que les choses fussent comme elles étaient, et de faire entendre qu’elles ne se seraient jamais passées comme cela sans ses encouragements et ses conseils.

Sans rechercher si Mme Nickleby avait ou non une grande part dans le succès de cette affaire, il est du moins hors de doute qu’elle eut tout lieu de s’en applaudir. Les frères Cheeryble, à leur retour, donnèrent tant d’éloges à Nicolas pour ses soins intelligents, et montrèrent tant de joie du changement heureux qui leur rendait leur jeune favorite après des épreuves si cruelles et des dangers si menaçants, qu’à partir de ce moment, comme elle le répéta souvent à sa fille, la fortune de la famille lui parut faite, ou c’était tout comme. M. Charles Cheeryble, dans ses premiers transports de surprise et de joie, le lui avait dit positivement ou à peu près. Aussi, sans s’expliquer davantage sur la portée de ces mots un peu ambigus, elle ne revenait jamais sur ce sujet qu’elle ne prît un air de mystère et d’importance et ne se livrât à des visions d’opulence, de grandeur et de dignité, dont les formes vagues et nébuleuses ne l’empêchaient pas d’être alors aussi heureuse que si la fortune eût réellement donné un établissement solide à ses rêves de magnificence et de splendeur.

Quant à Madeleine, le choc terrible et soudain qu’elle venait de recevoir, mêlé à sa grande affliction et à ses longues souffrances, avait porté un rude coup à ses forces. Elle ne sortit de