Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/337

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notre faute : nous ne vous les avons sans doute pas bien expliquées.

— Pour cela, vous avez bien raison, repartit la mère sèchement ; il est très probable que vous m’avez mal renseignée ; je n’en suis pas responsable, j’espère. Pourtant, comme ces circonstances dont vous parlez sont assez claires par elles-mêmes, je prendrai la liberté, ma mie, de vous dire que je les comprends à merveille, quelle que soit l’opinion contraire que vous puissiez en avoir, vous et Nicolas. Ne semble-t-il pas que tout soit perdu parce que cette demoiselle Madeleine va épouser quelqu’un de plus âgé qu’elle ! Est-ce que votre pauvre papa n’était pas plus âgé que moi ? et de quatre ans et demi encore ! Jeanne Dibabs… vous savez bien, les Dibabs qui demeuraient dans cette jolie petite maison blanche à un étage, recouverte de chaume et toute tapissée de lierre et de plantes grimpantes, avec un charmant petit portail garni de chèvrefeuille et de toute sorte de choses ? Vous vous rappelez même que souvent les perce-oreilles tombaient dans votre thé, le soir pendant l’été, et, quand une fois ils étaient tombés sur le dos dans la tasse, ils remuaient les pattes à faire trembler ? Vous rappelez-vous aussi comme les grenouilles venaient quelquefois se glisser jusque dans les lanternes en toile métallique, quand on y passait la nuit, et montaient tout du long pour vous regarder par les petits trous, comme des chrétiens ?… Eh bien ! donc, cette Jeanne Dibabs, elle a bien épousé un homme beaucoup plus âgé qu’elle, et de son plein gré, en dépit de tout ce qu’on a pu lui dire pour l’en détourner, et elle en était éprise plus qu’on ne peut dire. On n’a pas fait tant de bruit de Jeanne Dibabs, et cela n’a pas empêché que son mari ne fût un homme excellent, honorable, et dont personne ne disait que du bien. Pourquoi donc alors faire tant de bruit du mariage de cette Mlle Madeleine ?

— Son mari est bien plus âgé, il n’est pas du tout de son goût, et le caractère de l’homme est exactement le contraire de celui que vous venez de décrire, disait Catherine ; jugez, ma mère, s’il y a la moindre ressemblance. »

À cela, Mme Nickleby se contentait de répondre qu’elle savait bien qu’elle n’avait pas de bon sens ; que ce serait bien sa faute si elle ne le savait pas ; que ses enfants le lui répétaient assez tous les jours, sur tous les tons ; qu’à la vérité, à raison de ce qu’elle était un peu leur aînée, il y avait des gens assez simples pour croire peut-être qu’elle devait raisonnablement en savoir plus long qu’eux ; mais non, elle savait bien que c’était elle qui avait tort, toujours tort ; elle ne pouvait pas avoir raison, il n’y