Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/347

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permettre d’épouser une jeune fille sans dot et sans espérances ; une jeune fille qui nous tient de si près que personne ne pourra douter que nous ne lui ayons tendu un piège, que c’était une intrigue préméditée, un vil calcul arrêté entre nous trois ! Rendez-vous bien compte de notre position, ma mère. Que diriez-vous, si, ce mariage une fois convenu, les frères Cheeryble, en venant nous faire ici une de ces visites généreuses qui les amènent souvent chez nous, vous aviez à leur confesser la vérité ? vous sentiriez-vous à votre aise ? ne vous reprocheriez-vous pas d’avoir joué un rôle au moins équivoque ? »

La pauvre Mme Nickleby pleurait bien plus encore et se débattait en murmurant, avec moins d’assurance, que M. Frank commencerait par demander d’abord le consentement de ses oncles.

« Je veux bien, dit Nicolas ; c’est une démarche qui le placerait, lui, dans une meilleure situation près d’eux ; mais nous, qui nous laverait de leurs soupçons ? La distance qui nous sépare les uns des autres en serait-elle moins grande ? les avantages que nous avions à gagner dans cette union, qu’on supposerait intéressée, en seraient-ils moins évidents ? Tenez ! ajouta-t-il d’un ton moins sérieux, nous pourrions bien, dans tout ceci, compter sans notre hôte ; je crois, je suis presque sûr que nous sommes dupes de quelque erreur ; mais s’il en était autrement, je connais assez Catherine pour savoir qu’elle pensera là-dessus comme moi : et vous aussi, ma mère, je vous connais assez pour être assuré que vous ferez de même après quelques moments de réflexion. »

À force de représentations et de prières, Nicolas obtint de sa mère la promesse de faire tout son possible pour penser là-dessus comme lui, et que, si M. Frank persévérait dans ses attentions, elle essayerait de le décourager de son mieux, ou qu’au moins elle ne se prêterait en rien à les seconder. Quant à lui, il se décida à ne point en parler à Catherine avant d’être bien convaincu qu’il y eût réellement nécessité de le faire, se réservant d’ailleurs de s’assurer aussi bien que possible, par ses observations personnelles, de l’état exact des choses. C’était penser sagement ; mais un nouveau sujet d’anxiété cruelle vint l’arrêter dans l’exécution de ce plan.

La santé de Smike était devenue alarmante ; l’épuisement de ses forces ne lui permettait plus d’aller d’une chambre à l’autre sans l’appui d’un bras. Sa maigreur et l’altération de ses traits faisaient peine à voir. Le même médecin qu’il avait appelé d’abord l’avertit que la seule et dernière chance d’espérance qui restât de