Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/363

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barrée, comme si on était en pleine nuit, fit entrer Noggs, sortir Squeers, et revint dans son cabinet.

« À présent, murmura-t-il entre ses dents, quoi qu’il arrive, me voilà ferme et assuré. Que je puisse me donner seulement cette petite réparation de la perte que je viens de faire et de l’échec que je viens de subir ; que je sois seulement assez heureux pour lui ravir cette espérance, qui doit lui être si chère : je ne demande que cela pour le moment. Ce sera le premier anneau d’une chaîne dont je vais l’enlacer, et que je veux lui forger de main de maître. »


CHAPITRE XXV.

Comment l’auxiliaire de Ralph se mit à l’œuvre, et comment il réussit.

C’était par une soirée triste, sombre, humide, une soirée d’automne. Dans une chambre au dernier étage d’une méchante baraque, située au fond d’une rue obscure, ou plutôt d’une cour, près de Lambeth, était assis, tout seul, un borgne étrangement accoutré. Son habillement grotesque cachait-il un travestissement, ou dénotait-il sa misère ? Quoi qu’il en soit, il était enveloppé d’une large redingote, dont les bras étaient bien deux fois aussi longs que les siens, et dont l’ampleur, de haut en bas, aurait suffi grandement pour l’ensevelir tout entier de la tête aux pieds, sans qu’on eût besoin de tirer la vieille étoffe crasseuse dont elle était faite.

Sous ce déguisement, et dans un quartier si éloigné de ses habitudes et de ses occupations, si pauvre et si peu respectable, l’œil de Mme Squeers elle-même aurait eu peine à reconnaître son seigneur et maître, quelque pénétrante que l’on suppose la sagacité de cette tendre épouse, illuminée par ses sentiments d’affection conjugale. C’était pourtant bien le seigneur et maître de Mme Squeers. Il avait l’air d’assez mauvaise humeur, son seigneur et maître, quoiqu’il puisât quelque consolation dans une bouteille placée devant lui sur la table ; il jetait autour de la chambre un regard où se peignaient, avec un profond dégoût pour les objets dont il était entouré, le souvenir et le regret impatient de quelques lieux éloignés et de quelques personnes absentes.