Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/364

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Le fait est qu’il n’y avait pas grand agrément ni dans la chambre sur laquelle errait la vue de M. Squeers avec si peu de plaisir, ni dans la ruelle étroite dont il eût eu la perspective, s’il avait tenté de s’approcher de la fenêtre. La mansarde qu’il occupait était nue et laide. Le lit et les quelques meubles de première nécessité qu’elle renfermait étaient des plus vulgaires, dans un état caduc, et d’une apparence moins que séduisante. La ruelle était sale, boueuse et déserte. Comme elle n’avait qu’une issue, elle n’était jamais guère traversée que par ses rares habitants, et, comme la soirée n’était pas engageante pour sortir, on n’y voyait d’autre signes de vie que la chétive lueur de quelques chandelles fumeuses derrière les vitres noircies ; on n’y entendait que le clapotage de la pluie, ou de temps en temps le lourd battement de quelque porte qui craquait en se fermant.

M. Squeers continuait de promener autour de lui son regard mélancolique et d’écouter en silence ces bruits monotones, variés seulement par le frôlement de sa grande redingote, quand il en tirait de temps à autre son bras pour l’allonger vers la bouteille et la porter à ses lèvres. M. Squeers ne fit pas autre chose pendant assez longtemps, jusqu’à ce que le redoublement des ténèbres l’avertît qu’il était temps de moucher sa chandelle. Un peu réveillé par cet exercice, il leva les yeux vers le plafond, et les fixant sur des figures bizarres et fantastiques qu’y avaient dessinées la pluie et l’humidité pénétrant à travers la toiture, il s’adressa lui-même le monologue que voici :

« C’est bon ! voilà qui est joli ! très joli, ma foi ! Voilà combien de semaines ? six au moins, que je suis ici à pourchasser cette méchante, vieille, petite… voleuse (M. Squeers eut du mal à se décider à lâcher cette épithète) et, pendant ce temps-là, Dotheboys Hall va à la diable. Voilà ce que c’est que de se faire attraper par ce rusé matois de Nickleby. Vous ne savez jamais où vous en êtes avec lui, et si vous hasardez un sou, il vous fait bientôt perdre un écu. »

Cet apophtegme financier rappela naturellement à M. Squeers qu’il s’agissait pour lui d’un millier d’écus. Pensée divertissante qui détendit les plis de son front, et lui fit lever le coude pour déguster la bouteille d’un air plus enchanté que jamais.

Le monologue reprend : « Je n’ai pas encore vu ni connu de scie tranchante, ni de lime patiente comme ce vieux Nickleby. Il est impossible de s’en faire une idée. C’est une vraie lime sourde, ce Nickleby. Il fallait le voir tourner, virer, trotter, creuser jour par jour son sillon, sa sape ou sa mine, pour aboutir au repaire qui cachait cette précieuse Mme Peg Sliderskew et me préparer