Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/38

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dait les mains comme un linge qui sort de la lessive ; dans tous les cas, il n’y avait pas de mal à vous de le croire, en me voyant examiner ces écriteaux. Moi, dans le commencement, j’en ai pensé autant de vous, ma parole d’honneur ; ainsi vous voyez bien.

— Vous pouviez le croire au commencement comme à la fin, monsieur, sans avoir peur de vous tromper, répliqua Nicolas.

— Comment ? cria le vieux gentleman le considérant des pieds à la tête ; il n’est pas Dieu possible ! Non, non, un jeune homme de bonne mine comme vous, réduit à cette extrémité ! oh ! non, non, non. »

Nicolas le salua, et, lui souhaitant le bonjour, tourna les talons.

« Un moment, dit l’autre en lui faisant signe de le suivre dans une rue de traverse pour causer plus commodément, sans crainte d’être interrompus ; qu’est-ce que vous dites là ?

— Mon Dieu ! voilà tout simplement la chose. Votre air de bonté et vos manières, si peu semblables à tout ce que j’ai rencontré jusqu’ici, m’ont arraché l’aveu que je vous ai fait, et que, pour tout au monde, je n’aurais jamais eu l’idée de faire à aucun autre inconnu dans ce désert de Londres.

— Désert ! ah ! oui, c’en est un, c’en est bien un. Certes, oui ! c’est un désert, dit le vieillard avec beaucoup de chaleur. Il fut un temps où c’était un désert aussi pour moi ! J’y suis venu pieds nus… je ne l’ai jamais oublié, Dieu merci ! et il leva son chapeau d’un air grave pour honorer le nom de Dieu qu’il invoquait. Voyons, qu’avez-vous ?… qu’est-ce que c’est ?… comment cela s’est-il fait ? dit-il en posant sa main sur l’épaule de Nicolas et remontant la rue avec lui. Je vois que vous êtes… n’est-ce pas ? et il mit le doigt sur la manche de l’habit de deuil de l’orphelin… De qui ?… dites-le-moi.

— De mon père, répondit Nicolas.

— Ah ! dit le vieux gentleman avec vivacité. C’est bien triste pour un jeune homme d’avoir perdu son père. Et la mère restée veuve peut-être ? »

Nicolas répondit par un soupir.

« Avec des frères et des sœurs, n’est-ce pas ?

— Une sœur, répliqua Nicolas.

— Pauvre enfant ! pauvre enfant ! L’éducation est une grande chose, une bien grande chose… Moi, je n’en ai pas reçu : je ne l’en apprécie que mieux chez les autres. Oh ! oui, c’est une bien belle chose. Contez-moi votre histoire. Je veux tout savoir,