Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/396

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Squeers, sans qu’on lui dît pourquoi ; et le brave homme, après avoir extorqué d’avance la promesse qu’il ne lui serait rien fait, avait déclaré que toute l’histoire de sa paternité de Smike n’était qu’un conte forgé par Ralph Nickleby qu’il compromit tout du long. Quant à M. Squeers, il venait, le matin même, de subir un interrogatoire secret devant le magistrat, et n’ayant pu expliquer d’une manière satisfaisante comment ce titre se trouvait en sa possession, pas plus que les raisons de son association avec Mme Sliderskew, il avait été cité à comparaître à huitaine.

Voilà toutes les découvertes qu’on exposa à Ralph avec tous ces détails circonstanciés. Quelle que fût l’impression secrète qu’il en ressentit, il ne laissa pas échapper un signe d’émotion, resta parfaitement tranquille sur sa chaise, les yeux baissés d’un air renfrogné sur le parquet et la main sur sa bouche. Quand il eut tout entendu jusqu’au bout, il releva précipitamment la tête pour prendre la parole ; mais, voyant que le frère Charles avait encore quelque chose à dire, il reprit sa première attitude.

« Je vous ai dit ce matin, reprit le bon gentleman en pesant la main sur l’épaule de son frère, que je venais vous voir dans un esprit de charité. Vous savez mieux que personne jusqu’où vous pouvez être engagé dans l’affaire, et inculpé par les révélations de l’homme qui est maintenant entre les mains de la justice. Mais il faut qu’elle ait son cours ; il faut une réparation à ce pauvre jeune homme, si doux, si inoffensif, si cruellement poursuivi. Ni mon frère, ni moi, nous n’avons plus le pouvoir de vous soustraire aux conséquences du procès. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de vous avertir à temps, pour vous donner l’occasion de les éviter par la fuite. Nous serions fâchés de voir un homme de votre âge puni et déshonoré par votre plus proche parent ; nous ne voudrions pas lui voir oublier, à votre exemple, les liens de la nature et du sang. Nous vous prions tous (car je sais bien, frère Ned, que vous vous joindrez à moi pour cela, et vous aussi, Tim Linkinwater, malgré votre prétention d’être un chien obstiné, et votre air rechigné, là sur votre chaise), nous vous prions de quitter Londres, d’aller chercher un refuge dans quelque endroit où vous puissiez échapper aux suites de ces machinations odieuses, et vous aurez le temps, monsieur, de les expier et de revenir à de meilleurs sentiments.

— Est-ce que vous croyez par hasard, répondit Ralph en se levant, avoir si bon marché de moi ? Est-ce que vous croyez qu’il suffit de dresser une centaine de plans plus ou moins habilement