Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/399

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enterrée, ressuscitée même pour être disséquée, et pendue à des fils de fer dans un musée d’anatomie, avant d’avoir jamais eu rien à faire avec elle. « Prisonnier, m’a dit longuement ce matin le monsieur à la tête poudrée ; prisonnier, comme on vous a trouvé nanti de ce document ; comme vous étiez occupé avec elle à faire disparaître frauduleusement d’autres papiers, sans pouvoir donner d’explications satisfaisantes ; je vous renvoie à la semaine prochaine pour faire une enquête et citer les témoins ; en attendant, je ne puis accepter de caution pour vous relâcher sur parole. » Comment voulez-vous maintenant que je donne des explications satisfaisantes ? Je n’ai qu’une chose à faire. Je passerai le prospectus de mon établissement en disant : C’est moi qui suis le Wackford Squeers ci-nommé, monsieur. C’est moi qui suis l’homme reconnu par des attestations irréfragables pour être d’une rigidité de morale et d’une intégrité de principes exagérées. S’il y a quelque chose de mal dans toute cette affaire, ce n’est pas ma faute. Je n’avais pas du tout de mauvaises intentions, monsieur. On ne m’avait pas dit qu’il y eût du mal. C’était seulement pour rendre service à un ami, mon ami M. Ralph Nickleby de Golden-square ; faites-le venir, monsieur, et demandez-lui compte de ce qui s’est fait ; car c’est lui, et non pas moi, qui en est l’auteur.

— Qu’est-ce que c’est que ce document qu’on a trouvé dans votre poche ? demanda Ralph esquivant pour le moment la question.

— Quel document, dites-vous ? Eh bien ! le document, répliqua Squeers : celui de Madeleine je ne sais plus qui ; c’était un testament, voilà ce que c’était que ce document.

— De quelle nature ? quel est le testateur ? la date, le montant du legs, les dispositions ? demanda Ralph avec ardeur.

— C’est un testament en sa faveur, je n’en sais pas davantage, répondit Squeers, et vous n’en sauriez pas plus que moi, si vous aviez reçu comme moi un bon coup de soufflet sur la tête. C’est grâce à vous et à votre prudence soupçonneuse qu’ils le tiennent maintenant ; si vous me l’aviez laissé jeter au feu, et que vous eussiez voulu me croire sur parole, on n’aurait eu qu’un petit tas de cendres dans l’âtre, au lieu de le trouver sain et sauf dans la poche de ma redingote.

— Battu sur toute la ligne ! murmura Ralph.

— Ah ! dit Squeers en soupirant, car, entre le grog absorbé et les douleurs de sa tête cassée, il délirait étrangement ; au délicieux village de Dotheboys, près de Greta-bridge, dans le