Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/400

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Yorkshire, les jeunes pensionnaires sont nourris, vêtus, blanchis, fournis de livres et d’argent de poche, pourvus de toutes les choses nécessaires ; on leur enseigne toutes les langues mortes et vivantes, les mathématiques, l’orthographe, la géométrie, l’astronomie, la trigonométrie, ou, sous une autre forme, les trigonomiques, ou avec une diphtongue : tout enfin. Tout, chaque chose, tablier de savetier ; en, adjectif, le contraire de hors ; S-q-u, double e, r-s, Squeers, nom substantif, éducateur de la jeunesse ; total, tout en Squeers. »

Pendant qu’il battait ainsi la campagne, Ralph eut le temps de recouvrer sa présence d’esprit ; il sentit aussitôt la nécessité de dissiper de son mieux les appréhensions du maître de pension, et de lui faire croire que la meilleure tactique pour se sauver de là, c’était de garder un silence absolu.

« Je vous le répète encore une fois, ils ne peuvent pas vous faire de mal. Vous aurez un recours contre eux pour arrestation illégale, et ce sera encore pour vous un profit. Nous saurons bien forger une histoire qui vous tirerait vingt fois d’un embarras aussi vulgaire que celui-là, et, si on vous demande une garantie pour caution de vingt-cinq mille francs, en cas de rappel et citation nouvelle, vous l’aurez. Tout ce que vous avez à faire, c’est de ne pas dire la vérité. Vous avez les idées un peu embrouillées ce soir, ce qui vous empêche d’y voir aussi clair que si vous étiez plus tranquille ; mais voilà tout ce que vous avez à faire, et vous ferez bien de ne pas l’oublier, car, si vous alliez vous couper, cela gâterait tout.

— Oh ! dit Squeers, qui l’avait regardé pendant tout ce temps-là d’un air rusé, la tête penchée de côté, comme un vieux corbeau ; n’ai-je que cela à faire, croyez-vous ? Eh bien ! alors, écoutez un mot ou deux que j’ai à vous dire. Je n’ai pas envie qu’on aille faire des histoires pour mon compte, pas plus que je n’en veux faire moi-même. Si je vois que cela tourne mal pour moi, j’espère que vous en prendrez votre part, et j’aurai soin d’y veiller. Vous ne m’avez jamais dit qu’il y eût des risques à courir. Quand j’ai fait marché avec vous, ce n’était pas pour me fourrer dans ce guêpier, et mon intention n’est pas de prendre la chose en douceur comme vous le pensez. Je me suis laissé aller à vos instigations, de fil en aiguille, parce que nous avions déjà fait quelques affaires d’une certaine nature ensemble, et que, si je vous avais indisposé, vous auriez bien pu me faire du tort dans mon commerce, au lieu que, si je vous ménageais, vous pouviez me donner un bon coup d’épaule. C’est bien. Si tout va comme il faut, à la bonne heure, je n’ai rien à dire,