Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il ne bougea pas : il resta assis sur sa chaise comme s’il n’avait pas même la force d’y faire attention. Les coups, souvent répétés, furent, à plusieurs reprises, accompagnés d’une voix qui disait du dehors qu’on voyait de la lumière à sa fenêtre (c’était sa chandelle), avant qu’il pût se décider à se lever pour descendre.

« Monsieur Nickleby, il y a des nouvelles terribles pour vous, et on m’envoie vous prier de venir tout de suite, lui dit une voix qu’il crut reconnaître. » (Il mit sa main devant ses yeux pour regarder à la porte en ouvrant : c’était Tim Linkinwater qui était là sur les marches.)

— De venir où ? demanda Ralph.

— Chez nous, où vous êtes venu ce matin. J’ai une voiture.

— Et pourquoi voulez-vous que j’y aille ? dit Ralph.

— Ne me demandez pas pourquoi, mais venez vite avec moi, je vous prie.

— Une nouvelle édition de ce matin, répondit Ralph faisant mine de refermer la porte.

— Non, non, cria Timothée en lui prenant le bras de l’air le plus sérieux, c’est seulement pour vous dire quelque chose qui vient d’arriver, quelque chose d’épouvantable, monsieur Nickleby, et qui vous touche de très près. Vous imaginez-vous que je vous parlerais comme je vous parle, ou que je viendrais à cette heure-ci vous trouver sans cela ? »

Ralph le considéra de plus près, et, voyant son agitation, se sentit défaillir, sans savoir que dire ou que penser.

« Vous ferez mieux de venir le savoir plus tôt que plus tard, dit Timothée, cela peut avoir de l’importance pour vous. Au nom du ciel, venez donc. »

Peut-être, en tout autre temps, l’obstination et la colère de Ralph n’auraient-elles jamais voulu entendre à une invitation partie de la maison Cheeryble, si pressante qu’elle pût être. Mais alors, après un moment d’hésitation, il alla chercher son chapeau dans le vestibule et revint monter en voiture sans dire un mot.

Timothée se rappela bien depuis, et il en parla souvent, qu’au moment où Ralph Nickleby rentra chez lui pour aller chercher son chapeau, il le vit, à la lueur de la bougie qu’il avait posée sur une chaise, chanceler et trébucher comme un homme ivre. Il se rappela bien aussi qu’en mettant le pied sur le marchepied de la voiture, il se retourna et lui vit la face si sombre et si blême, l’air si égaré et si hors de lui, qu’il en eut la chair de poule et ne savait pas s’il devait faire route avec lui. On se plut à croire