Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/41

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rait pu lui faire le collecteur de la souscription sur le chiffre élevé de son offrande ; et, pour y échapper plus sûrement, il se hâta d’emmener Nicolas, non moins ému qu’étonné de ce qu’il venait de voir et d’entendre en si peu de temps, vers la porte entr’ouverte d’un cabinet voisin.

« Frère Ned, dit M. Cheeryble, frappant à la porte avec le revers de ses doigts, et se baissant pour écouter la réponse ; êtes-vous occupé, mon cher frère ? ou avez-vous le temps que je vous dise deux mots ?

— Frère Charles, mon bon ami, répondit une voix dont l’intonation était si semblable à l’autre, que Nicolas tressaillit et fut tenté de croire que c’était la même, entrez donc tout de suite, sans frapper, et sans me faire de pareilles questions. »

En effet, ils entrèrent sans plus attendre. L’étonnement de Nicolas redoubla de plus en plus, quand il vit frère Charles échanger un salut chaleureux avec un autre vieux gentleman du même type et du même modèle, même figure, même stature, même gilet, même cravate, mêmes guêtres et mêmes culottes, enfin même chapeau blanc accroché à la muraille.

Pendant qu’ils se donnaient une poignée de main, leurs deux figures s’animaient d’un regard d’affection tendre, dont on aurait aimé l’innocence dans les traits mêmes d’un enfant, et qui chez des vieillard ssemblait bien plus saisissants encore. Pourtant, malgré leur ressemblance, Nicolas remarqua que le dernier était un peu plus épais que son frère. C’était, avec une légère nuance de plus d’originalité dans sa démarche et dans sa tenue, la seule différence sensible qui les distinguât. À tout prendre, c’étaient bien deux jumeaux : personne n’aurait pu s’y tromper.

« Frère Ned, dit le protecteur de Nicolas, après avoir fermé la porte, voici un jeune homme de mes amis, auquel il faut que nous venions en aide. Nous allons commencer, pour lui comme pour nous, par prendre des renseignements sur les détails qu’il m’a confiés, et s’ils se confirment, comme je n’en fais aucun doute, il faut que nous l’aidions, frère Ned.

— Mais, mon cher frère, il suffit de ce que vous me dites, répliqua l’autre : il n’est pas besoin de renseignements après vous. Ainsi nous l’aiderons ; qu’est-ce qu’il faut faire ? que demande-t-il ? où est Tim Linkinwater ? faisons-le venir pour conférer avec nous. »

Pour compléter leur ressemblance, les deux frères avaient, dans leur langage, la même chaleur et la même vivacité ; ils avaient perdu tous les deux les mêmes dents, je pense, ce qui leur donnait une prononciation uniforme ; et quand ils parlaient,