Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/411

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de cœur, des chagrins réels, mais qui, selon sa coutume, avaient un air trop personnel, par l’habitude qu’elle avait de rapporter tout à soi, elle n’était pas la seule qui ressentît de la peine dans la maison. Catherine, tout accoutumée qu’elle était à s’effacer devant les autres, ne pouvait retenir son chagrin. Madeleine n’y était guère moins sensible, et la pauvre, la bonne, l’honnête petite demoiselle la Creevy, qui, en l’absence de Nicolas, était venue leur faire une visite, et qui, depuis la mauvaise nouvelle, n’avait fait que les consoler et les distraire de son mieux, ne le vit pas plutôt arriver à la porte, qu’elle s’assit au bas de l’escalier et fondit en larmes, refusant pendant longtemps toute consolation.

« Cela me fait tant de peine, criait l’excellente fille, de le voir revenir tout seul ! Je ne peux pas m’empêcher de penser combien il a dû souffrir ! Je n’en serais peut-être pas si émue s’il le paraissait davantage lui-même ; mais voyez avec quelle fermeté admirable il supporte tout cela.

— Mais, dit Nicolas, il le faut bien ; je n’ai pas de mérite à cela.

— Sans doute, sans doute, répliqua la petite femme, et vous avez raison ; mais que voulez-vous, excusez-moi de ma faiblesse : je trouve… je sais bien que j’ai tort de le dire, et je vais m’en repentir tout à l’heure… que vous méritiez une autre récompense pour tout ce que vous avez fait.

— Quoi ! dit Nicolas avec douceur, quelle meilleure récompense pouvais-je attendre, que de voir ses derniers jours heureux et tranquilles, et de me rappeler toujours que je lui ai tenu compagnie jusqu’à la fin, sans avoir eu le regret, ce que mille circonstances auraient pu faire, de n’être pas alors à ses côtés ?

— C’est vrai, répondit miss la Creevy avec des sanglots ; c’est moi qui ai tort. Je sais bien que je ne suis qu’une ingrate, une impie, une méchante petite folle. »

Et tout en faisant cet aveu, la bonne fille recommençait à pleurer, à faire des efforts pour se contraindre, à essayer de rire. Le rire et les pleurs, mis aux prises sans transition, luttaient à qui resterait maître du champ de bataille. La victoire fut indécise, car miss la Creevy, pour les tirer de peine, finit par une attaque de nerfs.

Nicolas attendit qu’elles fussent toutes remises et calmées pour monter à sa chambre, où il avait besoin de se retirer, pour prendre un peu de repos après un si long voyage, et se jetant tout habillé sur son lit, il tomba dans un profond sommeil. À son réveil, il trouva Catherine assise à son chevet, et, quand