Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/416

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bientôt après chez les frères Cheeryble, ne trouverait pas le prix de tous ses sacrifices de fortune dans la possession d’un cœur comme celui de Catherine, un cœur d’un prix inestimable, si l’or et l’argent n’étaient pas estimés avant tout ! Frank a plus de bien qu’il ne lui en faut. Tout son bien ne saurait lui procurer un trésor comme ma sœur. Et pourtant, dans ces mariages qu’on appelle inégaux, le parti le plus riche est toujours celui qui est censé faire un grand sacrifice, pendant que l’autre passe pour faire un bon marché. Mais quoi ! je raisonne là comme un amoureux, ou plutôt comme un niais, ce qui pourrait bien être la même chose. »

C’est ainsi que, s’adressant à lui-même des compliments peu flatteurs pour réprimer des idées si mal en harmonie avec le devoir qu’il allait remplir, il continua sa route, et se présenta devant Timothée Linkinwater.

« Ah ! monsieur Nickleby, cria Timothée, vous voilà donc, Dieu merci ! Comment vous portez-vous, bien ? N’est-ce pas que vous ne vous êtes jamais mieux porté ?

— Très bien, dit Nicolas en lui donnant les deux mains.

— Ah ! dit Timothée, vous avez l’air fatigué malgré cela, maintenant que je vous regarde. Tenez ! écoutez-moi celui-là, l’entendez-vous ? (C’était Dick, le vieux merle.) Je ne le reconnaissais plus depuis votre départ. Il ne peut plus se passer de vous maintenant. Il vous fait fête comme à moi.

— Dick est perdu dans mon estime, dit Nicolas, s’il me croit aussi digne que vous de son affection ; je lui croyais plus d’intelligence.

— Que je vous dise, monsieur, dit Timothée se tenant dans son attitude favorite, et montrant du bout de sa plume la cage de son favori, vous me croirez, si vous voulez, mais les seules personnes auxquelles il ait jamais voulu faire attention, c’est M. Charles et M. Ned, vous et moi. »

Ici Timothée s’arrêta pour regarder, du coin de l’œil, Nicolas avec intérêt, et rencontrant tout à coup celui de son jeune ami, il répéta avec embarras : « Vous et moi, monsieur, vous et moi. » Autre coup d’œil à Nicolas. Puis, lui serrant la main : « Mais excusez-moi, lui dit-il, je suis un vilain égoïste de vous parler de choses qui n’intéressent que moi. Parlons plutôt de ce pauvre garçon. A-t-il dit, avant de mourir, quelque mot des frères Cheeryble ?

— Oui, dit Nicolas, il en a parlé bien des fois.

— À la bonne heure, reprit Timothée en s’essuyant les yeux, c’est bien de sa part.