Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/417

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— Et vous aussi, il a parlé de vous vingt fois, en me recommandant de faire ses amitiés à M. Linkinwater.

— Non, non, ne me dites pas cela, cria Timothée avec des sanglots à fendre le cœur. Pauvre garçon ! je suis bien fâché qu’on n’ait pas pu l’enterrer à Londres. Il n’y a pas, dans toute la ville, un endroit pour se faire enterrer agréablement, comme ce petit cimetière, de l’autre côté de la place. Il y a des maisons de banque tout autour, et vous ne pouvez pas y faire un pas, par le beau temps, sans voir de tous côtés, par les fenêtres ouvertes, les registres et les coffres-forts… Vraiment ! Il vous a chargé de ses amitiés pour moi ? Je ne m’attendais guère qu’il eût pensé à moi. Pauvre garçon ! pauvre garçon ! me faire ses amitiés ! »

Timothée était si profondément touché de cette petite marque de bon souvenir, qu’il fut quelque temps incapable de reprendre la conversation. Nicolas en profita pour s’esquiver et se rendre au cabinet du frère Charles.

Ce n’était pas sans peine qu’il avait préparé d’avance son cœur et son courage à cette entrevue. Mais la chaleur de l’accueil dont il se vit reçu, l’air cordial, la compassion simple et naturelle du bon vieillard, lui allèrent à l’âme et l’attendrirent malgré lui.

« Allons ! allons ! mon cher monsieur, dit l’excellent négociant, il ne faut pas vous laisser abattre. Non ! non ! au contraire, il faut apprendre à supporter le malheur, et nous rappeler qu’il y a des consolations jusqu’au sein de la mort même. Plus ce pauvre jeune homme aurait vécu de jours encore, moins il aurait été fait pour le monde, plus il aurait senti ce qui lui manquait, et il n’en aurait été que plus malheureux. Tout est pour le mieux, mon cher monsieur ; oui, tout est pour le mieux.

— Je n’ai pas été sans penser à tout cela, monsieur, répliqua Nicolas faisant un effort pour pouvoir parler. Je le sens bien comme vous.

— À la bonne heure, répliqua M. Cheeryble qui, tout en donnant des consolations, n’était guère moins ému lui-même que le bon vieux Timothée ; à la bonne heure !… Où donc est mon frère Ned ? monsieur Tim Linkinwater, où donc est mon frère Ned ?

— Il est sorti avec M. Trimmers, pour faire conduire ce malheureux, que vous savez, à l’hôpital, et envoyer une surveillante à ses enfants, répondit Timothée.

— Mon frère Ned est un brave homme… un digne homme,