Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/450

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zaine de jours après qu’ils s’en allèrent un beau matin, avant le déjeuner, et, quand on les vit revenir joyeusement ensemble, on apprit qu’ils venaient de se marier tout tranquillement.

L’argent dont Nicolas se trouva possesseur du chef de sa femme fut placé sous la raison Cheeryble frères, dont Frank était devenu l’associé. Peu d’années après, la maison de commerce continuait sous les noms réunis de « Cheeryble et Nickleby, » de sorte que Mme Nickleby eut le bonheur de voir réaliser ses prédictions anticipées.

Les deux frères se retirèrent. Qui pourrait douter qu’ils fussent heureux, entourés, comme ils l’étaient, de l’image d’un bonheur général, leur ouvrage, dont ils vécurent assez pour augmenter encore la douceur ?

Tim Linkinwater eut la condescendance, après bien des supplications et des reproches de son mauvais caractère, d’accepter enfin un intérêt dans la maison. Mais il ne voulut jamais souffrir que son nom parût comme associé, ce qui ne l’empêcha pas de persévérer dans l’accomplissement ponctuel et régulier de ses devoirs à son bureau.

Il habitait avec sa femme dans son ancienne maison, et il continua d’occuper la même chambre où il couchait depuis quarante-quatre ans. En vieillissant, la petite la Creevy n’en fut que plus gaie et plus avenante, et leurs amis se demandaient toujours, sans avoir jamais pu résoudre la question, quel était le plus heureux de l’homme ou de la femme ; de Tim Linkinwater assis avec un sourire de béatitude dans son fauteuil, au coin du feu, ou de la petite dame vive et pimpante, jasant, riant, toujours en mouvement dans sa chambre ou ailleurs.

Dick, le vieux merle, passa du bureau à un bon petit coin bien chaud du salon de compagnie. Au-dessous de sa cage étaient accrochées deux miniatures de la main de Mme Linkinwater. L’une était son portrait, l’autre celui de Timothée : tous deux le sourire à la bouche pour faire fête aux visiteurs. La tête de Timothée était poudrée comme un gâteau d’amandes, et ses lunettes étaient imitées avec une exactitude rigoureuse ; aussi, les étrangers, au premier coup d’œil, ne se trompaient point sur la ressemblance, ce qui leur faisait naturellement deviner que le pendant devait être sa femme, et les enhardissait à la nommer sans hésiter. Jugez si Mme Linkinwater était fière alors de son ouvrage, qu’elle rangeait parmi les portraits les mieux réussis qui eussent jamais fait honneur à son pinceau. Timothée, comme on pense bien, les avait en profonde estime ; car, pour cela comme pour le reste, ils étaient toujours du même avis. Aussi,