Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/66

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Il la déboucha d’un seul coup et plaça la fameuse bouteille et son bouchon devant son maître, avec la gravité d’un homme qui sait rendre justice à son adresse.

« Ah ! dit frère Ned commençant par examiner d’abord le bouchon, puis remplissant son verre, pendant que le maître d’hôtel continuait de se donner des airs aimables et généreux, comme si les vins lui appartenaient en propriété, mais qu’il fût bien aise d’en faire les honneurs à la société, il n’a pas mauvaise mine, David.

— Je crois bien, répliqua David ; vous auriez bien de la peine à trouver ailleurs un verre de ce vin-là, et M. Linkinwater le sait bien. Savez-vous que ce vin-là a été mis en bouteille le jour où M. Linkinwater est venu célébrer ici son premier anniversaire ? Oui, messieurs, c’est ce jour-là même qu’il a été mis en bouteille.

— Non, David, non, dit frère Charles.

— C’est moi qui l’ai enregistré moi-même au chapitre des vins, s’il vous plaît, dit David du ton d’un homme sûr de lui. Il n’y avait pas plus de vingt ans, monsieur, que M. Linkinwater était ici, quand on a mis en bouteille cette pièce de tokay.

— David a raison, frère Charles, dit Ned. Je me le rappelle comme lui. Tout le monde est-il ici, David ?

— Oui, monsieur, les gens sont à la porte, répondit le maître d’hôtel.

— Faites-les entrer, David, faites-les entrer. »

En recevant cet ordre, le vieux maître d’hôtel plaça devant son maître un petit plateau avec des verres propres, puis il ouvrit la porte à ces employés et à ces facteurs de bonne mine que Nicolas avait déjà vus en bas. Ils étaient quatre en tout, qui entrèrent en rougissant, avec force révérences, un ricanement embarrassé, soutenus à l’arrière-garde par la gouvernante, la cuisinière et la femme de chambre.

« Sept, dit frère Ned remplissant de tokay le même nombre de verres, et David, cela fait huit. Là, maintenant, vous allez tous boire à la santé de votre meilleur ami, M. Timothée Linkinwater, et lui souhaiter santé et longue vie, accompagnées de plusieurs autres anniversaires comme celui-ci, tant pour son compte que pour celui de vos vieux maîtres, qui le regardent comme un trésor inestimable. Monsieur Tim Linkinwater, à votre santé ! Que le diable vous emporte, monsieur Tim Linkinwater ! Que Dieu vous bénisse ! »

Sans paraître le moins du monde embarrassé de cette contra-