Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/81

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Puis on entendit un pas discret dans l’escalier, et l’on vit Ralph Nickleby, le chapeau à la main, se glisser modestement dans la chambre, le corps incliné, dans l’attitude d’un profond respect et les yeux fixés sur la figure de son honorable client.

« Eh bien ! Nickleby, lui dit sir Mulberry en lui montrant la chaise qu’il avait fait préparer à côté de son lit, et lui faisant de la main un signe d’insouciance affectée ; il m’est arrivé un accident désagréable, vous savez…

— Je le sais, répondit Ralph toujours regardant fixement ; désagréable en effet. Je ne vous aurais pas reconnu, sir Mulberry ; tiens ! tiens ! c’est très désagréable. »

Les manières de Ralph étaient pleines d’une profonde humilité et d’un respect étudié. Le ton adouci de sa voix était bien celui qu’une attention délicate pour un malade devait dicter à l’étranger qui lui rendait visite ; mais pendant que sir Mulberry lui tournait le dos, la figure de Ralph faisait avec ses manières polies un étrange contraste. Debout, dans son attitude habituelle, regardant avec calme l’homme étendu devant lui comme une masse inerte, tous ceux de ses traits qui n’étaient pas cachés à l’ombre de ses sourcils renfrognés portaient la trace d’un sourire moqueur.

« Asseyez-vous, dit sir Mulberry tournant la tête de son côté comme par un effort violent. Je suis donc bien extraordinaire, que vous vous tenez là debout à me regarder comme une histoire ? »

Au moment où il se retourna, Ralph recula d’un pas ou deux, comme ne pouvant s’empêcher de témoigner ainsi son profond étonnement, tout en cherchant à se contraindre, et s’assit avec un air de confusion joué à s’y méprendre.

« Sir Mulberry, dit-il, je suis venu en bas tous les jours, et souvent deux fois par jour dans les commencements, savoir de vos nouvelles. Ce soir, en raison de notre vieille connaissance et des affaires antérieures que nous avons faites ensemble, à la satisfaction, j’espère, de tous les deux, je n’ai pu résister au désir de demander à vous voir. Est-ce que vous avez… souffert beaucoup ? continua-t-il se penchant vers le malade et laissant toujours éclater sur sa figure son infernal sourire, pendant que l’autre tenait les yeux fermés.

— Oui, plus que je n’aurais voulu, mais moins peut-être que ne l’auraient voulu certaines rosses de notre connaissance, qui jouent gros jeu avec nous, je vous en réponds, » répondit sir Mulberry, en tirant sa couverture d’une main toujours agitée.

Ralph haussa les épaules comme pour se plaindre du ton