Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/82

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d’irritation violente dont ces paroles lui avaient été adressées : car il y avait dans son langage comme dans ses manières une aisance froide et désespérante, qui agaçait tellement le malade, qu’il avait peine à le supporter.

« Et qu’y a-t-il, demanda sir Mulberry, dans ces affaires que nous avons faites ensemble, qui vous amène ici ce soir ?

— Rien, répliqua Ralph ; il y a bien quelques billets de milord qui ont besoin d’être renouvelés ; mais nous attendrons que vous soyez sur pied. J’étais… j’étais venu, continua-t-il d’un ton plus bas, mais en appuyant plus encore sur chaque mot, j’étais venu vous dire tout le regret que j’avais que ce fût un de mes parents, un parent que j’ai renié, il est vrai, qui vous eût infligé une punition si…

— Punition ! interrompit sir Mulberry.

— Je sais qu’elle est sévère, dit Ralph, ayant l’air de se méprendre sur le sens de l’interruption de sir Mulberry, et je n’en étais que plus impatient de venir vous dire que je renie ce vagabond, que je ne le reconnais plus pour un des miens, que je l’abandonne au châtiment mérité qu’il pourra recevoir de vous ou de tout autre. Tordez-lui le cou si vous voulez, ce n’est pas moi qui vous en empêcherai.

— Ah ! ce conte que l’on m’a fait ici a donc déjà couru le monde, à ce que je vois ? demanda sir Mulberry, serrant les poings et grinçant des dents.

— On ne parle pas d’autre chose, répliqua Ralph ; il n’y a pas de club, pas de cercle de jeu, qui n’en ait retenti. On m’a même dit, continua-t-il, regardant l’autre en face, qu’on en avait fait une bonne chanson. Je ne l’ai pas entendu chanter moi-même ; je ne m’occupe guère de tout cela, mais on m’a dit qu’on l’avait fait imprimer, soi-disant pour la faire circuler sous le manteau ; maintenant elle court les rues, comme vous pensez.

— Ils en ont menti, dit sir Mulberry ; je vous dis qu’il n’y a rien de vrai dans tout cela. La jument a eu peur, voilà tout.

— Eh bien ! eux, ils disent que c’est lui qui lui a fait peur, repartit Ralph, toujours aussi calme, aussi impassible. Il y en a bien qui vont jusqu’à dire qu’il vous a fait peur aussi. Pour cela, par exemple, je suis bien sûr que ce n’est pas vrai, et je l’ai dit hardiment, partout et tous les jours ; je ne suis pas un casseur d’assiettes, mais je ne veux pas souffrir qu’on dise cela de vous. »

Aussitôt que sir Mulberry put trouver dans sa colère quelques mots à lier ensemble, Ralph se pencha vers lui, porta la main à l’oreille pour mieux entendre, conservant toujours dans les traits