Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/84

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— Eh bien ! qu’il en fasse provision pour notre prochaine rencontre, dit sir Mulberry Hawk, car je le retrouverai, quand il se sauverait au bout du monde.

— Oh ! reprit Ralph vivement, il n’a pas envie de se sauver ; il vous attend, monsieur, tranquillement, à Londres même, au grand soleil, faisant blanc de son épée, et regardant par les rues si vous n’y êtes pas. »

En disant cela, Ralph se rembrunissait, et, cédant enfin à un transport de haine, en se représentant Nicolas triomphant : « Si nous vivions seulement, dit-il, dans un pays où on pût faire de ces choses-là sans danger, que je donnerais de l’argent de bon cœur pour lui faire poignarder l’âme et le jeter au chenil, pour y être mangé par des chiens ! »

Ralph avait à peine donné, à son client étonné, cet échantillon de son excellent cœur et de son affection de famille, lorsque lord Verisopht se montra, au moment où il prenait son chapeau pour s’en aller.

« Que diable avez-vous donc, dit-il, vous et Nickleby, à faire tout ce tapage ? Je n’ai jamais rien entendu de pareil : crock, crock, crock ; baou, ouaou, ouaou. De quoi donc s’agit-il ?

— C’est sir Mulberry, milord, qui a eu un accès de colère, répondit Ralph les yeux tournés vers le malade.

— Il ne s’agit toujours pas d’argent, j’espère ? les affaires ne vont pas plus mal, n’est-ce pas, Nickleby ?

— Non, milord, non ; sur cet article-là sir Mulberry et moi, nous sommes toujours d’accord. Mais c’est qu’il a eu occasion de se rappeler les détails de… »

Ralph n’eut pas besoin d’en dire davantage, sir Mulberry ne lui en laissa pas le temps ; il s’empara lui-même du sujet et se mit à vociférer contre Nicolas des menaces et des serments presque aussi furieux que tout à l’heure.

Ralph, qui avait un talent d’observation peu ordinaire, fut surpris de voir, pendant cette tirade, l’accueil qu’elle parut recevoir de lord Frédérick Verisopht. Il avait commencé par se friser les moustaches de l’air le plus dégagé et le plus indifférent ; mais, à mesure que sir Mulberry se donnait carrière, ses traits s’altérèrent, et il surprit bien plus encore son observateur lorsqu’après cette philippique le jeune lord, sans dissimuler son mécontentement, le pria sèchement de ne plus jamais reparler devant lui de cette affaire.

« Rappelez-vous de cela, Hawk, ajouta-t-il avec une énergie qui ne lui était pas ordinaire. Jamais je ne seconderai, jamais je ne