Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

permettrai, si je puis l’empêcher, une lâche attaque contre ce jeune garçon.

— Comment, lâche ? s’écria son ami.

— Oui, répéta l’autre en le regardant en face. Si vous aviez commencé par lui dire votre nom et lui remettre votre carte, quitte à trouver après, dans sa position ou sa personne, des excuses pour ne point vous battre avec lui, ce n’était pas encore bien magnifique ; ma parole d’honneur, c’était déjà assez vilain comme cela. Mais de la façon que cela s’est passé, vous avez eu tort. Moi aussi j’ai eu tort de ne pas intervenir, et je m’en repens. Ce qui vous est arrivé après était purement accidentel, ce n’était point prémédité, et c’est de votre faute plus que de la sienne. Il n’en portera donc pas la peine, croyez-moi : cela ne doit pas être et cela ne sera pas. »

En répétant avec insistance cette déclaration, le jeune lord tourna les talons ; mais, avant de sortir, il revint sur ses pas pour dire avec plus de véhémence encore :

« Je suis convaincu maintenant, oui, sur mon honneur, j’en suis convaincu. La sœur est une jeune personne aussi modeste et aussi vertueuse qu’elle est belle ; et, quant au frère, tout ce que je peux en dire, c’est qu’il s’est conduit en bon frère, comme un homme de cœur et d’honneur. Je voudrais seulement de toute mon âme pouvoir en dire autant de nous tous.

— Est-ce bien là votre élève, demanda tranquillement Nickleby, ou quelque innocent tout frais sorti des mains d’un curé de village ?

— Ce sont de ces accès qui prennent de temps en temps aux blancs-becs ; il a besoin que je le forme, répliqua sir Mulberry Hawk en se mordant les lèvres et lui montrant la porte. Laissez-moi faire ! »

Ralph échangea un coup d’œil familier avec sa vieille connaissance, car cette surprise inquiétante avait tout à coup renoué leur intimité, et il reprit le chemin de sa maison d’un pas lent et d’un air soucieux.

Pendant cette entrevue, et longtemps même avant le dénouement, l’omnibus s’était soulagé de miss la Creevy et de son garde du corps ; ils étaient maintenant arrivés à sa porte. Là, la petite artiste ne voulut, pour rien au monde, laisser retourner Smike sans l’avoir réconforté au préalable en buvant un petit coup de quelque liquide généreux, et sans y tremper un biscuit. Et comme Smike ne montra aucune répugnance à boire un petit coup de ce liquide généreux, en y trempant un biscuit ; comme, au contraire, il n’était pas fâché de se donner des jambes pour revenir à Bow,