Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ah ! Tilda ! cria Mlle Squeers, m’avez-vous assez donné de coups de pied tout le long de cette chienne de nuit ?

— Par exemple ! j’aime bien cela, répliqua son amie en riant, lorsque c’est vous qui avez pris, sans vous gêner, presque toute la voiture à vous seule.

— Écoutez, Tilda, dit Mlle Squeers sérieusement, ne dites pas non, parce que c’est la vérité et qu’il est inutile que vous essayiez de me persuader le contraire. Il est possible que vous ne vous en soyez pas aperçue : vous dormiez si bien ; mais, moi, je n’ai pas seulement fermé l’œil ; ainsi j’espère que vous pouvez me croire. »

En faisant cette réponse, Mlle Squeers ajustait son voile et son chapeau, mais avec peu de succès, car il n’aurait fallu rien moins que la baguette d’un magicien et la suspension complète de toutes les lois de la nature, pour donner à son couvre-chef une forme régulière ou figure humaine. Pourtant, elle finit par se flatter qu’elle n’avait pas encore l’air trop malpropre. Elle secoua les miettes de sandwiches et les restes de biscuits qui s’étaient accumulés dans son giron, et profita du bras que lui offrait John Browdie pour descendre de voiture.

« Là ! dit John au cocher dont il venait de faire approcher le fiacre, en faisant monter les dames et charger le bagage, nous allons à l’hôtel de Sarah, mon garçon.

— Là-s-où ? cria le cocher.

— Qu’est-ce que vous dites donc, Browdie ? interrompit Mlle Squeers ; cette idée ! c’est à la Tête de Sarrazin.

— Je savais toujours bien qu’il y avait du Sarah là dedans, c’est le zin qui m’avait échappé ; à présent vous savez où ce que c’est, brave homme ?

— Oh ! ah ! je connais ça, répondit le cocher d’un air refrogné en fermant la portière.

— Tilda, ma chère, réellement, reprit Mlle Squeers d’un ton de reproche, on va nous prendre pour je ne sais qui.

— Qu’ils nous prennent comme ils voudront, et, s’ils ne nous prennent pas, qu’ils nous laissent, dit John Browdie. Nous ne sommes pas venus à Londres pour autre chose que pour nous amuser, n’est-ce pas ?

— Je l’espère, monsieur Browdie, répliqua Mlle Squeers visiblement contrariée.

— Eh bien ! alors, dit John, qu’est-ce que ça fait ? je n’ai pu me marier que depuis quatre jours, parce que la mort de mon pauvre vieux père a tout retardé ; c’est donc une noce complète, la fille, le garçon, la demoiselle d’honneur ; si ce n’est pas l’oc-