Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/157

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répandu que c’était moi, le second est venu me demander si je ne voudrais pas prendre la place dudit cuisinier, dans le passage jusqu’en Angleterre. « Car vous en avez l’habitude, m’a-t-il dit ; pendant votre voyage, vous étiez toujours à cuisiner pour tout le monde. » C’est vrai tout de même, ajouta Mark, quoique je ne me fusse jamais occupé de cuisine auparavant, je vous le jure.

– Et qu’avez-vous dit ? demanda Martin.

– Ce que j’ai dit ! s’écria Mark. Que je prendrais tout ce que je pourrais attraper. « S’il en est ainsi, dit le second, eh bien ! qu’on apporte un verre de rhum. » Ce qu’on fit aussitôt. Et mes gages, monsieur, ajouta Mark avec une joie enthousiaste, payeront votre passage ; et j’ai mis le rouleau[1] dans votre case pour en prendre possession (c’est la meilleure qu’il y ait dans le coin), et en avant Rule Britannia ! les Bretons salueront la patrie !

– Jamais il n’exista un aussi brave garçon que vous ! s’écria Martin, lui prenant la main. Mais qu’entendez-vous par ces mots : « Nous avons refait M. Bevan ? »

– Comment ! ne voyez-vous pas ! … dit Mark. Nous ne l’avertirons pas, vous concevez. Nous prendrons son argent, mais nous ne le dépenserons pas, et nous ne le garderons pas non plus. Voici ce que nous ferons : nous lui écrirons un petit billet pour lui expliquer cet arrangement ; nous mettrons l’argent sous même enveloppe, et laisserons le tout au comptoir, pour qu’on le lui remette quand nous serons partis. Voyez-vous la chose ? »

Le plaisir que cette idée causa à Martin ne fut pas inférieur à celui qu’en éprouvait Mark. Tout fut exécuté à merveille. Ils passèrent une joyeuse soirée, couchèrent à l’hôtel, laissèrent la lettre disposée comme il avait été convenu, et montèrent sur le vaisseau le lendemain matin de bonne heure, avec le cœur d’autant plus léger qu’ils étaient délivrés du poids de leur misère passée.

« Adieu ! cent mille fois adieu ! dit Martin à leur ami. Comment pourrai-je me rappeler toutes vos bontés ? Comment pourrai-je vous remercier assez ?

– Si jamais, répondit son ami, vous devenez un homme riche ou puissant, vous ferez tous vos efforts pour décider votre gouvernement à se montrer plus soigneux des intérêts

  1. de pâtissier